La presse libre...

Parfois aller voir un film à l'aveugle peut avoir du bon. Avec une invitation à un label des spectateurs, je me suis retrouvé devant ce film un mois avant sa sortie. J'avoue que les films d'époque en costume, ce n'est pas ma tasse de thé et au début du film j'ai eu un peu peur, mais assez rapidement je suis rentré dans l'histoire et je me suis laissé emporter pour finalement passer un très bon moment.

L'histoire débute sur la romance entre un jeune poète fauché qui travaille dans une imprimerie et une baronne des Charentes. Lorsque le baron est excédé par cette liaison, son épouse décide de « fuir » à Paris avec son jeune amant sous sa protection. Mais la vie de la bourgeoisie parisienne va vite la faire déchanter au sujet de cette liaison et le jeune homme se retrouve seul dans une ville inconnue et pratiquement sans le sous. Par chance, il va faire la connaissance d'un rédacteur dans un journal et il va faire ses débuts dans ce monde de la presse libre dont il ne soupçonnait même pas l'existence.

Bien que commençant comme un film du genre très classique avec cette histoire d'amour entre des personnes de deux classes sociales très différentes, l'histoire dévie très vite sur la vie et le fonctionnement des journaux libres et souvent opposés au pouvoir en place dans la France du 19ème siècle. Je ne m'attendais pas du tout à un tel tournant (et non, je n'ai pas lu l’œuvre complète de Balzac...) et j'ai été très agréablement surpris. Cette société est décrite avec beaucoup d'humour mais aussi un certain cynisme et on apprécie tout au long du film les répliques acides et profondément drôles que peuvent se jeter les personnages au visage.
L'histoire est aussi incroyablement moderne et je ne sais pas comment est écrit le roman mais le parallèle avec la société contemporaine est frappant, voire troublant par moment. Même si l'on se trouve deux siècles en arrière les pratiques décrites dans le film sont toujours monnaie courante aujourd'hui et il est très facile de rapprocher une situation de l'histoire avec l'actualité.

Dans ce genre de film, ce qui me fait souvent peur est la direction des acteurs car on a souvent l'impression qu'ils jouent comme sur les planches d'un théâtre et c'est quelque chose dont j'ai horreur. On le retrouve pourtant dans une bonne partie des films français, même si je dois l'avouer cela change dans le bon sens ces dernières années. Et ce film est justement de ceux qui change ces pratiques. On retrouve un jeu d'acteur beaucoup plus naturel et même si le vocabulaire colle en grande partie à l'époque (bien qu'il soit un peu modernisé) les dialogues ne sont pas déclamés. Il est vrai qu'on a globalement affaire à une jeune génération d'acteurs et ceux-ci ne jouent plus comme leurs aînés. Pour le rôle principal de Lucien, on retrouve Benjamin Voisin qui est plutôt à l'aise dans le rôle de ce jeune poète qui se laisse griser dans l'écriture d'articles acerbes et souvent méchants qui font le bonheur de ses lecteurs. Quelques situations cependant où le personnage est un peu plus tendu et dans lesquelles ont le sent moins sûr de lui, mais globalement une bonne prestation. Lucien est entouré de Lousteau, incarné par Vincent Lacoste, qui est le jeune rédacteur du journal dans lequel le poète écrit. Il est très drôle et piquant, je trouve qu'il tient parfaitement son rôle. Xavier Dolan quant à lui campe le personnage de Nathan, jeune écrivain en vogue qui sera le meilleur ennemi de Lucien. Le relation entre les deux personnages est très intéressante et le québecois est tout à fait crédible dans son rôle.
Côté casting féminin, Salomé Dewaels, jeune actrice belge tiens le rôle d'une actrice de théâtre qui s'éprend du poète. Sans forcément crevé l'écran, elle l'illumine quand même de sa présence et apporte une fraîcheur dans ce monde cynique et souvent malhonnête. On va également retrouver Cécile de France qui a le rôle de la Baronne amante de Lucien au début de l'histoire. Ça reste un petit rôle mais j'ai été assez surpris de la voir là. Elle joue tout en finesse et en délicatesse pour faire honneur à son personnage, une belle surprise.

Au final une belle découverte, sans pour autant en faire le film de l'année je pense qu'il est à voir pour son sujet vraiment intéressant et la façon dont il est abordé. Malgré la longueur du film (presque 2h30) on ne s'ennuie pas et on passe un bon moment. Je conseille à tous, même si vous n'aimez pas habituellement les films en costume, jetez vous à l'eau et je pense que vous ne serez pas déçus !