C'est moins un film qu'un documentaire lourdement didactique. Une voix off omniprésente explique, détaille, souligne, et pire encore annonce contexte et actions d'une voix sentencieuse qui devient vite insupportable. Tout à sa charge contre le journalisme corrompu par la publicité à coup de (pas très) fines allusions au temps présent (le canard enchaîné, le masque et la plume, le ministre passé par la banque Rothschild), le réalisateur en oublie de diriger ses acteurs, et d'insuffler une âme à son film, qui à quelques exceptions près n'est qu'une succession de tableaux en costumes.
La reconstitution est soignée mais peu imaginative. Montrer deux fois les planches nécessaires pour éviter de se crotter les pieds et les vêtements c'est paresseux. Les fêtes sont plutôt banales et la scène aux papiers dorés donne un sentiment de déjà vu. Balzac les décrivait bien mieux, notamment la nourriture; tant qu'à faire une adaptation scolaire on aurait pu s'en inspirer davantage. C'est visuel, la nourriture... bien plus que le champagne.
En dehors de quelques scènes au journal ou chez l'éditeur, les textes sont déclamés dans des poses assez figées, et on se croit moins à l'Opéra ou au Faubourg Saint Germain qu'au musée Grévin. C'est assez plat, pas vraiment un feu d'artifice de traits d'esprit et de rosseries... . Les acteurs sont en général bien choisis, mais à quelques exceptions près (notamment Salomé Dewaels, bien mal présentée dans sa première scène) affichent la même expression pendant tous le film, mention spéciale à Cécile de France, Xavier Dolan et grand prix à Jeanne Balibar. Depardieu lui fait du Depardieu, et plutôt bien. Mais le réalisateur n'y est sans doute pas pour grand chose.
Le personnage central est bâclé. Au delà du provincial naïf qui découvre Paris et ses compromissions, Lucien Chardon est certes un poète, mais aussi un ambitieux qui en cette période de Restauration veut à tout prix retrouver les privilèges de la classe sociale dont la mésalliance de sa mère l'a exclu. C'est à dire obtenir par faveur un office bien rémunéré sans avoir à beaucoup travailler. On est très loin des aspirations du poète, c'est un conflit intéressant, mais ce n'est pas vraiment développé dans le film. Que ferait-il de Coralie, si dévouée, en cas de succès de son projet? Le film ne fait que l'effleurer, par la voix bourrue de Bérénice ("vous non plus Madame").
La musique est correcte, on échappe au moins à Zimmer... Mais c'est beaucoup trop long, et dès la première heure on perd tout intérêt pour les personnages et le peu d'intrigue, tout est écrit. La voix off nous a irrémédiablement placé en surplomb, et la seule question qui reste pour le spectateur est de savoir au bout de combien de temps (20 minutes, 40 minutes) l'écheveau de trahisons va produire la chute finale. Malheureusement, encore 85 minutes...
Sans vouloir écraser Xavier Giannoli sous des références bien trop grandes pour lui, au souvenir de la voix off génialissime de Barry Lyndon (Brialy était absolument parfait en VF), de Glenn Close jouant la marquise de Merteuil pour Frears, ou pour rester en France, des dialogues de Que la fête commence, de Ridicule ou de Beaumarchais l'insolent, autrement brillants, on mesure à quel point ce film est très anecdotique.
PS: les pigeons voyageurs n'ont pas eu comme usage principal de répandre de fausses nouvelles. En revanche, la légende dit qu'ils auraient permis à Nathan Rothschild à Londres d'être informé avant les autres de la défaite de Napoléon à Waterloo, et, en jouant contre l'opinion majoritairement défaitiste du marché à Londres, de gagner beaucoup d'argent.