Xavier Giannoli livre une relecture très moderne des Illusions perdues de Balzac en transposant les travers de la Restauration à notre contexte actuel : corruption, argent-roi, spéculation, recherche de la célébrité et de la gloire, désinformation et course à l’audience… Si cela peut sembler parfois facile ce rapprochement confère une indéniable dynamique à son film et rend l'œuvre de Balzac plus accessible et complice avec le spectateur contemporain.
Illusions perdues est un film en costumes ambitieux et réussi ; pas si évident dans le cinéma français. La reconstitution de l’époque de la Restauration est soufflante, et surtout elle parait si tangible et palpable dans ces matériaux et ses couleurs, ses photographies réfléchies et pas seulement balancé car le numérique nous le permet. Il y a ensuite ce scénario qui arrive sur une durée assez longue (2h30) à dérouler une intrigue assez riche de manière fluide et rythmée.
Bien sûr l’interprétation joue pour beaucoup, en premier pour Vincent Lacoste, Cécile de France et Salomé Dewaels, passionnés et passionnants. Les seconds rôles sont délicieux de cynisme et de malice. Benjamin Voisin manque cependant un peu de charisme et se fait souvent voler la vedette. Il faut ajouter à cela une voix off qui pour une fois n’est pas juste une répétition de ce qui se passe à l’écran, mais vient bien ajouter une lecture supplémentaire. Si c’est souvent très appréciable, notamment pour mieux comprendre le contexte, cela peut virer par moment à un exposé d’histoire qui nous fait oublier l’émotion de la scène ; l’équilibre n’est donc pas toujours atteint.
La comédie humaine de Balzac est ici réjouissante, même si par instant le film souffre de lourdeurs et appuie trop ses parallèles contemporains — gagnant ainsi notre complicité tacite mais perdant la spécificité de son époque, et d’un final somme toute un peu trop gentil par rapport au reste du film.