Ca fait toujours plaisir de voir des films français ambitieux, loin des comédies raz-des-pâquerettes ou des drames de petits bourgeois parisiens. Bon, techniquement « Illusion Perdues » est un drame de petit bourgeois parisiens… mais c’est aussi et surtout un film d’époque, et une adaptation de Balzac !
Lucien est un jeune poète talentueux mais naïf. Fraîchement débarqué à Paris, il va se heurter à une soi-disant élite hermétique, superficielle et bourrée de codes qu’il ne maîtrise pas. Et puis il va découvrir le monde de la presse, où corruption, copinage, et magouilles sont légions. D’abord noyé, son ambition et son intelligence vont lui permettre une ascension fulgurante.
« Illusions Perdues » est l’une des excellentes surprises de 2021. La forme du film frappe immédiatement par son grand soin, entre une reconstitution détaillée du Paris du 19ème siècle, et une photographie chaleureuse qui dévoile cet univers pourtant funeste. Clairement, « Barry Lyndon » mètre-étalon du film d’époque, est référencé à plusieurs reprises, à travers certaines situations, dialogues, ou même l’instrumentation classique de la BO.
Tandis que la narration fait penser, dans une certaine mesure, au cinéma de Martin Scorcese (!). Entre une myriade de personnages, un rythme trépidant de bout en bout (malgré les 2h30 de métrage), un schéma d’ascension et de chute violente, une voix off, et un héros qui découvre un univers parallèle avec ses règles, on pense parfois à « Goodfellas ». Si ce n’est que la voix-off est ici très (trop ?) littéraire. Mais s’agissant d’une adaptation de Balzac, on le comprend…
Balzac qui est au passage étrangement référencé également ! Notamment une scène où Gérard Depardieu, qui avait incarné l’auteur dans un téléfilm, fait une petite tirade sur les ananas, célèbre projet de plantation fumeux de Balzac.
Toutefois, sans forcer sur les références, Xavier Giannoli insiste surtout sur la sinistre modernité des thématiques abordées. Fake news, presse contrôlée par de grands groupes et muselée, ou à la solde du plus offrant. Primauté de l’apparence et du commercial sur la qualité. Combines politiques en tous genres… Tout ceci ne semble pas beaucoup avoir changé en deux siècles ! Néanmoins Giannoli appuie peut-être un peu trop certains événements ou journaux modernes (« un banquier rentrerait bientôt au gouvernement » !), faisant perdre de sa finesse à l’œuvre.
Enfin, si j’avoue avoir trouvé certains acteurs un peu légers par moment, l’ensemble est vraiment bon. Dont Benjamin Voisin en artiste idéaliste devenant arriviste flamboyant.
Bref, une jolie surprise, et la preuve que la littérature classique reste une poule aux œufs d’or pour les scénaristes !