J'ai emménagé à Singapour il y a sept mois et je suis passionné de cinéma. Je ne pouvais donc pas rater une occasion pareille de marier les deux. Grace à un excellent article de Sandra (http://eastcoast.canalblog.com/archives/2013/08/27/27898810.html) j'ai pu regarder la quai totalité des courts métrages d'Anthony Chen. Mon préféré et de loin est son premier, "G-23". J'ai beaucoup aimé "Karung Guni" et "Ah Ma". Bref, j'attendais avec impatience le moment où j'irais voir son premier long métrage, d'autant plus que ce serait mon premier cinéma à Singapour.
Vivant à Singapour et ayant visionné ce premier film dans une salle comble de Singapouriens, je pense que mon expérience a été particulière. "Ilo Ilo" décrit très bien les caractéristiques de Singapour, l'importance de la face, de la famille, du travail, des ancêtres, du jeu, de la nourriture et aborde de nombreux sujets qui sont toujours d'actualité comme celui de la place des maids philippines, du "caning", etc. Je ne crois pas que j'aie tout saisi tant "Ilo Ilo" regorge de détails très singapouriens et la preuve en est que le public, très réactif, a souvent rit sans que je ne comprenne pourquoi.
D'un point de vue purement cinématographique, la realisation est impeccable, la photographie et le grain parfaits et le film (sous doute en grande partie autobiographique) ne verse jamais dans le pathos, bien qu'il narre une histoire difficile (perte d'emploi, rivalité, perte d'êtres aimes). C'est très appréciable et cela en fait un film discret, sobre, subtil et donc très réussi, bien qu'il lui manque peut-être quelque chose d'extraordinaire pour marquer les esprits plus largement dans l'espace et plus longuement dans le temps. On est loin de l'originalité et de l'exotisme qui flottent dans "G-23", par exemple.
Une mention spéciale pour deux scènes absolument sublimes et qui représentent chacune un condensé du film tout au long duquel deux êtres si differents vont parvenir à s'apprivoiser. Le passage où la maid et l'enfant se rapprochent lentement l'un de l'autre sur le toit du HDB, et surtout le moment où chacun fait goûter à l'autre l'aileron de requin (plat délicieux soit dit en passant) dans sa propre cuillère. Il n'y a dans ces deux scènes aucune exagération, seulement un silence, une lenteur et une sincerité qui font basculer les émotions du spectateur.
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