Film où tout est tellement attendu. On sait ce qu'on va voir et ça ne manque pas. On connait les défauts par avance et ça tombe en plein dedans. Dans le genre académique c'est difficile de faire plus académique. Entre le personnage caricatural du génie asocial à la limite de l'autisme, la faille psychologique issu d'un évènement dramatique passé, la musique pas toujours très subtile, etc.
Mais surtout ce qui me dérange c'est que ce film est sur-démonstratif. Il faut toujours tout expliquer en insistant bien en y revenant plusieurs fois. Alors on a une scène lourde où Turing démontre son asociabilité, puis on a un dialogue pour dire "p'tain mais quel asocial celui-là", puis on a une scène flash-back pour expliquer qu'il était rejeté le pauvre petit parce qu'il était "différent" et c'est toujours comme ça pour tout. C'est d'un lourdingue. Déjà on avait compris la première fois avec la scène qui n'était pas des plus fines quel besoin d'en rajouter encore ? D'ailleurs la systématisation du flash-back et la pseudo enquête policière ne servent que de béquilles scénaristiques et ne permettent pas de rendre le propos plus subtil.
Dans le genre bonjour la subtilité on a aussi le traitement de l'homosexualité de Turing. Alors oui il était homosexuel, a été condamné pour ça à suivre un traitement médical et oui son suicide l'année suivante est sans doute lié. Mais Turing ne s'est jamais caché de son homosexualité. Ni pendant ses études, ni quand il bossait sur Enigma. Mais bon voilà avoir le spectre de la méchante société qui condamnait les homosexuel c'est tellement plus vendeur. La vérité c'est que la société anglaise était plutôt tolérante avec ça pendant la guerre.
En revanche, dès qu'on a un moment crucial, intéressant qui permettrait de sortir du cliché ambulant qu'on nous montre, il faut que ce soit zappé en 5min là où on aurait pu faire tout un film. Le pouvoir gigantesque de vie ou de mort que ces gens détiennent après avoir décrypter Enigma, le conflit moral, le poids de ces décision tout ça est balayé d'un revers de la main avec l'histoire du frère (3 lignes de dialogues) et une scène de 2min où Turing explique qu'il va utiliser les stats pour déterminer les actions à mener ou non en fonction des messages interceptés. Putain mais merde quoi ! C'est quand même l'aspect le plus intéressant à traiter. Est-ce que vous imaginez simplement avoir ce pouvoir et ce dilemme là à résoudre une fois. Et là il s'agit en plus de le porter pendant plusieurs années. Mais c'est un questionnement morale dingue et un poids psychologique immense avec lequel il faut pouvoir vivre. Un truc qui vous transforme sans doute à tout jamais.
Enfin, le final obligatoire de ce genre de biopic, on a le droit au texte qui défile pour nous raconter ce qui arrive aux personnages par la suite. Outre le fait que c'est déjà pesant de toujours voir ces mêmes tics dans tous les biopics, en plus on nous balance le chiffre du nombre d'homosexuels condamnés pour leur préférence. Mais c'est pas du tout le propos du film ! Pourquoi qu'on nous balance ça ? On s'en fout complètement non. C'est pas un film sur la cause homosexuelle ou sur un militant homosexuel, c'est un film sur un scientifique !
Bon après je critique beaucoup de chose mais le film n'est pas non plus insupportable. La photographie est jolie, la mise en scène et la réalisation si elles ne sortent pas des clous restent tout à fait correctes, le rythme ne s’essouffle pas, etc. Mais c'est quand même vraiment dommage de tomber à ce point dans tous les pièges possibles et de passer à côté de ce qu'il y avait de plus intéressant dans cette histoire.