L'homme qui en sauva 14 millions
Traiter de la Seconde guerre mondiale avec originalité, c'est quelque chose qui devient de plus en plus difficile. Toutefois, Imitation Game réussi le pari casse dents d'aborder le conflit par l'usage d'un biopic. Le film raconte l'histoire d'Alan Turing, mathématicien, accompagné par d'autres collègues ayant le même emploi que lui afin de percer le secret du code Enigma utilisé par les nazis pour protéger leurs liaisons les plus secrètes.
L'histoire bien proportionnée entre les époques qu'elle traite: les années collège du jeune Alan, la guerre, tout cela organisé autour de la garde à vue d'Alan Turing en 1951, d'abord soupçonné d'être un espion à la solde de l'URSS puis, l'enquête aboutissant sur la découverte de son homosexualité. L'interprétation de Benedict Cumberbatch (nominé aux Oscars et ça se justifie parfaitement) s'ancre parfaitement dans son son style, plus largement dans sa filmographie puisque le passé à prouvé à tout le monde sa capacité à interpréter des personnages en apparence détestables mais profondément humains. Parmi les autres membres du casting Keira Knightley interprétant Joan Clark, seule femme de l'équipe de mathématiciens, âgée de 25 ans au début du film et étouffée par ses parents. Bien que son personnage soit relégué au rang d'éternel second, sa construction, son intégration dans le scénario et le jeu de Keira Knightley remplit largement ses objectifs de liens entre les intrigues du film. A noter, un second rôle pour Mark Strong en agent de MI6 qui remplit bien sa mission d'agent de renseignement dans un pur esprit pragmatique, proche de la réalité quand il s'agit de traiter dans les relations internationales. Certes, l'interprétation souffrant d'un traitement de l'agent le faisant plus ressembler à un vampire au service de sa majesté qu'à "l'ange gardien" protecteur de l'équipe Turing et de la mission en général.
Imitation Game est donc une histoire humaine, une anecdote dans l'Histoire de la Seconde Guerre mondiale celle d'une clique de scientifiques qui ont permis aux Alliés de surpasser l'Allemagne. En témoigne le traitement de l'histoire (et de l'Histoire) par le scénario. En effet, pour reprendre les travaux de John Truby, même si la recherche d'accomplissement du désir (craquer Enigma) est le but de l'histoire, le facteur du besoin est ici parfaitement bien traité et ne laisse aucune zone d'ombre. Ce qui le but d'un biopic. L'accomplissement de ce besoin, ou plutôt de ces besoins: l'homosexualité pour Turing, la séparation du nid familial pour Clark... Surtout le fait que l'histoire dépasse son McGuffin pour traiter les besoins personnels des personnages montre un certain travail sur le scénario.
Imitation Game est donc un film qui (à mon sens est ce qui ressemble le plus à un film plein). Dans le sens où les personnages sont travaillés, parfaitement humanisés. Un film qui prouve que même si l'on peut sauver 14 millions de personnes, raccourcir la guerre d'au moins deux ans et, de ce fait, empêcher les nazis d'obtenir la bombe atomique, les gens qui font l'Histoire restent des êtres humains. Pour terminer cette critique je citerai Winston Churchill: "L'Histoire me sera indulgente, car j'ai l'intention de l'écrire". Certes mais elle n'a pas manqué également d'en oublier certains, les enfermant dans le secret défense. Alan Turing en fait partie. C'est là une des missions du cinéma, ne pas oublier.
