La première chose à remarquer c'est que Benedict Cumberbatch est aussi à l'aise qu'un poisson dans l'eau pour jouer les génies asociaux (coucou Sherlock). Son interprétation d'Alan Turing, l'inventeur méconnu de l'informatique, propose sa dose de moments savoureux.
Nous sommes donc (dans le film) au début de la seconde guerre mondiale, dans un petit village du sud de l'Angleterre, où une petite équipe de matheux tente de percer le secret d'une machine de cryptage allemande. C'est dans ce cadre que ce cher Turing débarque et y met son grain de sel, en tentant de construire une machine révolutionnaire, bien plus performante que le cerveau humain en terme de puissance de calcul, pour battre la fameuse Enigma. Cette machine révolutionnaire, c'est bien sûr l'ancêtre de l'ordinateur, et il faut bien reconnaître que sa complexité laisse admiratif, à se demander par quel miracle un être humain a pu la concevoir, et l'on regarde différemment son bon vieux PC qui prend à peine la moitié d'une table, en comparaison des multiples rotors qui occupent toute une salle.
Le film en lui-même est construit en trois segments temporels : l'enfance de Turing, les temps de guerre, et enfin l'après-guerre, ce dernier segment introduisant le film via un interrogatoire dont les raisons seront dévoilées au fur et à mesure des différents voyages entre les époques. Bien sûr pour quiconque ayant lu la biographie de Turing, ces raisons sont évidentes. Ce découpage ne sert ni ne dessert le film, la construction reste relativement classique et assez peu surprenante. On notera cependant que pour un spectateur peu attentif en début de film, ce découpage peut entraîner une certaine confusion, mais ceci est rapidement corrigé par la suite.
Concernant les acteurs, évidemment Cumberbatch est au-dessus du lot mais a le bon goût de ne pas occuper tout l'espace, permettant ainsi à ses collègues, dont Keira Knightley (peu convaincante en mathématicienne géniale, mais pas dérangeante pour autant), de collaborer à l'atmosphère du film. A noter un Matthew Goode qui ne se débrouille pas trop mal non plus. Le reste du casting va du second rôle correct au figurant absolu mais n'a pas spécialement de point faible.
Fait amusant : le titre du film est tiré du test du Turing, à peine effleuré durant le film, test consistant à faire dialoguer un cobaye avec soit une machine, soit un humain, le cobaye devant juger de la nature de son interlocuteur. L'exploit majeur de Cumberbatch étant de parvenir à conjuguer les deux aspects dans son jeu, de manière incroyablement naturelle.
Néanmoins, le film m'a personnellement laissé un petit goût de déception à la sortie de la salle. Pourquoi ? C'est inexplicable. Certes, la dernière séquence du film est un peu plus bancale que les autres, mais elle n'est pas catastrophique non plus. Peut-être qu'en tant qu'informaticien je m'attendais à un peu plus d'informations techniques sur les concepts abordés (machine de Turing, test de Turing), mais je peux comprendre la volonté du cinéaste de laisser tout cet ésotérisme scientifique de côté pour parler de l'être humain qui en est à l'origine.
Au final Imitation Game est un biopic réussi, délaissant l'invention pour se concentrer sur l'inventeur. Si ce choix peut-être contesté quand on connaît le personnage, il n'en reste pas moins qu'il dénonce l'illogisme de nos règles morales, qui excluent, voire punissent injustement certaines personnes qui n'y sont pas adaptées. On peut alors réellement se poser la question : est-ce un comportement humain, ou est-ce seulement une mécanique froide ?