Renouveler le film d'épouvante n'est pas chose aisée. Heureusement parfois, on trouve des réalisateurs inspirés comme ce cher Jeremy Lovering qui s'est un poil creusé les méninges pour nous servir un thriller haletant et glaçant qui nous scotche au canapé dès le début.
Pas étonnant que Sundance appose son macaron sur l'affiche d'In Fear qui a tout du petit bijou de cinéma d'épouvante indépendant (britannique, en l'occurrence). Economie de moyens, cadre resserré (ici une sorte de huis clos dans un habitacle), cadrage fixé sur les visages, montage nerveux à couper le souffle, tension parfois à la limite du soutenable (sans effusion de sang), mise en scène au cordeau et photographique nocturne qu'on dirait trempée dans du Winding Refn : tout est ici réuni pour nous faire passer 1h et demie de stress total.
C'est le duo principal qui porte le film : un jeune couple récent - Tom et Lucy- se retrouve coincé dans des chemins de campagne à la recherche d'un hôtel introuvable. Bien vite, ils comprennent qu'ils sont bien dans un véritable labyrinthe dont il va être compliqué de sortir, d'autant qu'à tout instant semble vouloir surgir une menace extérieure dont on ne connaît pas vraiment la nature.
Et c'est sans doute là que réside la force de ce très bon film flippant : le mystère qu'il entretient autour des dangers qui rôdent autour de ce couple sans défense, bientôt sans essence, sans lumière, et sans la moindre piste pour se guider dans ce bourbier.
L'atmosphère est oppressante à souhait de bout en bout et l'arrivée d'un troisième personnage va faire grimper d'un cran l'angoisse et les doutes quant à l'issue de cette ténébreuse escapade. Le spectateur est pris dans un vertige tourbillonnant, renforcé par la caméra qui passe d'un regard terrifié à un autre, puis par les travellings latéraux sur le bord de la route mal éclairée devant lesquels passe et repasse l'équipée ad nauseam.
Estampillé thriller psychologique, ce film est en effet brillant de ce point de vue puisqu'il réussir à nous faire hésiter sur les véritables motivations des personnages, sur le rôle que tient chacun. Une nouvelle occasion de méta-texte cinématographique : qui est le dupe de qui ? Qui joue avec qui ? Qui sortira vainqueur de ce ce jeu de piste qui n'est autre qu'un jeu de massacre ?
Âmes sensibles, va falloir vous accrocher un peu : certaines scènes sont d'une violence radicale, la réalisation n'a pas hésité à dégainer tout l'attirail du crade et du poisseux pour impressionner un maximum. On pourra penser que ça va un peu trop loin - pour ma part, le fait qu'un film par instants me fasse détourner le regard, soit un uppercut visuel, demeure une qualité.
La forêt est un ressort dramatique classique des films d'épouvante, à la fois sanctuaire menaçant et mystérieux lieu de perdition : In Fear réserve d'ailleurs une scène d'égarement nocturne au beau milieu des bois parmi l'un des plus angoissantes que j'aie pu voir. Le jeu des lampes torches faiblissantes, les bruits inconnus, la route que l'on croit suivre mais qui ne fait que perdre et enfoncer encore davantage, les rencontres inattendues mais potentiellement dangeureuses : voilà qui a terrorisée l'amatrice de contes inquiétants que j'ai toujours été.
Ajoutez à cela une bande originale à faire dresser les cheveux sur la tête et des acteurs sacrément investis et vous obtenez le cocktail du film d'épouvante parfait.
Attention toutefois au niveau d'anglais qui est assez exigeant - j'ai parfois regretté de ne pas avoir opté pour les sous titres en français.
On ne sort pas indemne de ce film qui a tout pour nous servir encore quelque nouveau terrifiant volet - ce que j'appelle vivement de mes voeux, totalement convaincue que je suis par cette proposition singulière, diablement efficace et visuellement totalement aboutie.
A voir absolument, toutes portes closes et toutes lumières éteintes pour vivre un grand moment de terreur (mais pas seul quand même, ne soyez pas inconscients).