Je ne compte pas parler d'In Girum, ça n'a aucun intérêt puisque le film se suffit à lui même. Non, Debord ne prend pas le spectateur pour un con. Il expose de manière directe l'idée de ce que pourrait être, selon lui, le cinéma. Celui-ci est un moyen de communication unilatéral et la principale innovation culturelle après la radio et avant la télévision du XXe siècle. Il contenait, à l'époque où Debord tournait, les secrets de son temps.
Le cinéma est pratiquement mort, comme l'art avant lui ainsi que la littérature qui ne produit plus que des marchandises prêtes à être consommées. Celui-ci a vécu, entre 1920 et 1960, un âge d'or. Il s'inscrit dans une histoire bien précise, celle des révolutions du XXe siècle et de la contre-révolution triomphante. Des années auparavant, il était fait par les riches pour les pauvres ; aujourd'hui ce sont toujours les riches qui le font, mais ce sont les cadres qui profitent du spectacle. Debord l'a parfaitement vu, tout comme il a parfaitement remarqué que le cinéma est en rapport entre des gens médiatisé par des idées et un écran. Il s'agit d'en faire la critique -Debord ne pouvant vraiment aimer le cinéma-, de détourner les images et de recomposer quelque chose qui ne sera plus vu ailleurs. Opérer sur le terrain de l'ennemi, même si pour ça on doit, au moins en partie, parler son langage. Voilà ce qu'est In Girum, une tentative de s'exprimer sur terrain hostile, quitte à choquer.
Aujourd'hui on tend encore plus qu'avant à distinguer les films qui ne seraient qu'un pur divertissement et d'autres qui ne seraient faits que pour les intellos. Inepte faux choix puisque l'un comme l'autre son inopérants et tout ça ressemble à une énorme bouillie sans goût, sans saveur et sans avenir. Il reste des bons cinéastes et les films de genre, mais cela suffit-il à sauver le reste ? Rien n'est moins sûr.
Film révolutionnaire armé d'une puissante nostalgie, il avait même été aimé par un maoïste platonicien, quelle chance.
Ne laissant aucune concession l'atteindre, montant les images avec ou sans rapport avec le propos, Debord explique que le sujet important est lui-même ; le cinéma repassera. Il n'est que le temps de la misère et la misère du temps.
Il n'est pas quelqu'un qui se corrige, il froisse le spectateur, arguant que rien d'important ne s'est communiqué en ménageant un public.Même si le spectacle a gagné et que les marchandises sont partout. On ressort de là épuisé et même si on l'a aimé et qu'on aime trop de choses. Tout cela échappe à l'époque. Le cinéma pourrait être le film qu'il était en train de faire, comme si ça allait intéresser quelqu'un aujourd'hui.