Deux hommes, leur fils Chip. Puis le père génétique disparaît. In the family raconte l'avant et l'après de ce drame, avec une acuité et un regard qui le rendent unique.


Alors que le sujet pouvait donner lieu à tous les excès, Patrick Wang fait des choix narratifs et formels qui protègent son film de toute dérive hystérisante. Son propos n'est pas seulement de rendre compte d'un déchirement émotionnel, mais aussi de construire sur le temps une chronique de vie. Alors que la durée peut effrayer [2h50], on s'aperçoit très vite que notre perception du temps change et s'accorde à l'arythmie subtile qu'il nous propose.


Ainsi chaque séquence porte en elle sa propre matrice temporelle. Se limitant parfois à un seul plan fixe, elle inscrit dans un même cadre de multiples sensations, les sources de l'émotion et celles de l'apaisement, choisissant de dialoguer ou pas, d'entendre ce qui se dit ou non. On notera par exemple l'annonce de la mort de Cody, le retour des funérailles, la proposition de Paul à Joey, la séance chez l'avocat, autant de scènes magnifiquement construites, subtiles, puissantes et incroyablement cinématographiques.


L'image semble à peine travaillée. Les blancs débordent et trouent parfois les couleurs. Les plans souvent légèrement décadrés, voire très largement, imposent un regard photographique d'une modernité rare au cinéma. Dans sa gestion du temps et du cadre, le travail de Patrick Wang, dont c'est le premier film, fait penser à la manière dont Tsai Ming-liang distend ses récits. La narration est alors autant mentale que factuelle, le lien entre le cinéaste et le spectateur plus ténu, plus intime, presque indicible.


On pourrait trouver l'ensemble naïf, mais la volonté de Patrick Wang n'est pas d'exploiter les crises. Le parcours de celui qu'il interprète, Joey, est une quête d'apaisement, une mise à plat presque philosophique, un rappel jamais doctrinal, encore moins religieux, de ce qui est essentiel, de comment on peut faire, au sein d'une famille, pour que "ça marche".


C'est donc un extraordinaire sentiment d'apaisement qui nous accompagne tout le long de cette œuvre humble et généreuse, un vrai film d'amour simple et profond aux tendres flash-backs, jamais larmoyant, jamais ridicule, jamais faux.


Unique et inclassable, In the family travaille la temporalité et la dramaturgie avec une modernité rare et salutaire. Patrick Wang est un artiste.

pierreAfeu
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le 28 mars 2015

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