Dernier Hong Sangsoo (ah non, un autre vient d'être présenté à Cannes...) et il faut lui reconnaître que ses films ont beau tourner toujours autour du même archétype de personnages, dans des lieux similaires, avec les mêmes acteurs, il ne fait jamais deux fois le même film. Comme ses films précédents il est question d'un réalisateur qui veut faire un film, mais là c'est encore plus minimaliste que d'habitude. Je trouvais déjà que Walk Up marquait une radicalisation dans son cinéma, là In Water va encore beaucoup plus loin. Déjà il faut dire l'évidence : le point n'est pas fait. Le film est flou. Alors il l'est plus ou moins en fonction des scènes, mais l'image n'est jamais totalement nette et plus ça va, plus c'est flou.
Tout est tourné en plan séquence, pas de montage, il n'y a pas de zoom, qui était pourtant caractéristique du cinéma d'Hong Sangsoo il y a encore quelques années, les mouvements de caméra sont réduits au minimum, tout est tourné au même endroit avec uniquement trois personnages. Bref il pose sa caméra, il ne fait pas le point et laisse ses acteurs jouer, il coupe et il passe à la séquence suivante.
Et donc la question qui est sur toutes les lèvres c'est : pourquoi est ce qu'il a choisi de filmer sans faire le point ? (d'ailleurs je suspecte que dans certaines scènes il accentue le flou au fur et à mesure) En tous cas ça donne un aspect limite aquarelle au film, où l'on observe des silhouettes qui se fondent dans le décor... Et le choix du flou se justifie rien que pour le dernier plan, où il n'est plus possible de distinguer l'acteur de la nature.
Comme je le disais, le film traite donc d'un réalisateur qui veut faire un film, sujet déjà largement parcouru dans le cinéma d'Hong Sangsoo, mais cette fois il y a un côté profondément déprimant puisque tout est matériellement là pour faire un film... sauf l'inspiration. On a beau ne pas nécessairement voir les expressions du visage de l'acteur (à cause du flooouuuu) on sent que ça ne va pas et les autres personnages le sentent aussi. Ils se mettent à vivre leur propre vie à côté en attendant qu'il sache quoi filmer. Le fait de ne pas pouvoir voir les expressions des acteurs permet vraiment de renforcer l'empathie du spectateur, puisqu'on se projette vraiment dans la détresse de ce réalisateur. Surtout que contrairement à tous les films sur des artistes qui sont en panne d'inspiration, ça se fait sans cri, sans heurt, sans remise en question métaphysique... Juste l'attente et les autres qui sont un peu inquiet et qui tentent de s'occuper comme ils le peuvent.
Il y a là finalement un traitement assez réaliste, tristement banal et terriblement juste.
Si le dispositif est surprenant, il permet de renforcer l'émotion du spectateur, de lui faire sentir le trouble de son personnage principal.