Si vous n’avez pas lu la première partie, c’est par ici
A Nawal Marwan,
J’ai appris, il y a quelques jours de cela, ton décès. Il s’agit d’une sensation plutôt étrange et déstabilisante que de perdre la mère que je n’ai jamais eu.
Les premières années de ma vie ont sûrement été les plus difficiles à vivre.
Tu sais, ce n’est pas évident d’avoir été séparé de toi dès ma naissance et ensuite de grandir sans repères affectifs, baladé d’orphelinat en orphelinat, au gré des bombardements, des massacres et des pillages, dans un pays en perdition.
Est-ce-que cela a pu faire de moi un tortionnaire et un tueur sans âme ? Probablement, oui.
J’ai réussi à appréhender tout cela avec le recul nécessaire, et, au final, je pense que toute la violence, le vice, la perversion qui était en moi me servait de masque, qui dissimulait mes sentiments et ma véritable nature comme pour me protéger des traumatismes que j’ai vécu.
M’enfermer dans ce cercle infernal n’a fait que détériorer mon cœur et mon âme, jusqu’à un point où je suis devenu cet être inhumain.
Après le procès, j’ai éprouvé le besoin vital de t’exposer la vérité, de te dévoiler ma véritable nature, mais, je ne pouvais pas y arriver, comme si quelque chose m’en empêchait. Il s'agissait évidemment de la honte qui me poursuivait, me hantait, afin que je n’oublie jamais toutes les exactions et les horreurs sans noms que j’ai commises. Aujourd’hui, je ne suis plus Nihad, le franc-tireur ou Abou Tarek, le bourreau, non, je suis Nihad, issu de l’union passionnée entre Nawal et Wahab.
Parfois, il m’arrive de revêtir le nez rouge que tu m’as confié, dans ces moments-là, je vous imagine, Wahab et toi, deux jeunes amants animés par un désir incommensurable, fuyant la dure réalité grâce à leur insouciance.
Cette simple vision suffit à me rendre heureux.
Toute ma vie, je me suis résigner à recevoir l’amour immense que tu avais témoigné envers moi à ma naissance, mais, maintenant, je suis enfin prêt à l’accepter.
Ton fils, Nihad