Des sables mouvants ou la mer méditerranée ?

Avec "Incident de Frontière" réalisé en 1949, le cinéma d'Anthony Mann connait une double transformation. D'une part, c'est son dernier film noir avant de passer à une longue série de westerns qui commence en 1950 par "La porte du Diable" et surtout "Winchester 73". D'autre part, je crois que c'est le premier film qu'il tourne complètement en extérieurs. Ce dernier point est tellement réussi que les décors extérieurs contribuent à une ambiance sombre et malveillante qui "immerge" le spectateur dans le film.

"Incident de Frontière" est le récit des efforts communs mexicains et américains pour lutter contre une immigration illégale, sauvage et criminelle de travailleurs mexicains, des "braceros" alléchés par les bons salaires offerts par l'agriculture californienne. En fait, ces "braceros" font l'objet d'un trafic humain où ils ne retrouvent pas les salaires proposés et sont régulièrement dépouillés et tués lors de leur retour au Mexique. La lutte se concrétisera par l'infiltration dans le système criminel de deux policiers, l'un américain et l'autre mexicain.

Plusieurs choses sont remarquables dans ce film à forte connotation sociale.

D'abord, l'aspect quasi documentaire au début et à la fin pour présenter "techniquement" les données du problème qui sont la nécessité de cette immigration transfrontalière normalement légale et organisée et des dérapages criminels dus à l'inadéquation entre besoins en main d'œuvre et offre de candidats à l'immigration.

Des scènes brutes de fonderie et inhabituellement violentes pour l'époque comme les assassinats d'immigrés illégaux lors de leur retour dans des sables mouvants ou encore ces scènes de bagarre sans concession au couteau où un visage est brusquement tailladé.

L'action se déroulant essentiellement la nuit, les personnages sont vus subrepticement à travers des lueurs tremblotantes d'allumettes ou se détachant en contre-plongée sur des paysages inquiétants pleins d'ombre. Ceci rajoute de l'angoisse au suspense de certaines scènes.

Au final, c'est un film qu'en toute première approche, on peut considérer comme un vulgaire film de propagande à la gloire des services d'immigration des deux pays. À mon humble avis, c'est bien plus que ça.

C'est un film très cru, mis en scène efficacement, qui ose mettre sur la table les problèmes, bien souvent masqués et ignorés, inhérents à l'immigration clandestine et au trafic des hommes. Et l'immigration clandestine qu'on constate tous les jours entre le continent africain ou asiatique et l'Europe rend ce film complètement d'actualité.

Au fait, quelle différence y-a-t-il entre la mer Méditerranée et des sables mouvants ?