Une plantation de caoutchouc en Indochine dans les années trente. Sa direction est entre les mains d'Eliane Devries ( Catherine Deneuve ), une femme mûre aux idées libérales, menant de main de maître sa plantation d'hévéas, autoritaire et forte, cassante mais blessée et qui, pour toutes sortes de raisons, a choisi de rester célibataire. Son existence, déjà très perturbée par la montée du nationalisme, va être bouleversée par l'arrivée d'un officier Jean-Baptiste Le Guen ( Vincent Perez ), dont elle tombe amoureuse, ainsi que Camille sa fille adoptive, une petite princesse annamite. Camille ( Linh Dan Phan ) va s'enfuir avec lui, traverser le pays en proie à la guerre civile et accoucher d'un bébé dans des conditions difficiles. L'enfant sera récupéré par l'armée française et confié à Eliane, tandis que sa mère opte pour la lutte clandestine. Dix-huit ans plus tard, à Genève, siège de la conférence de la paix, Eliane raconte cette histoire à l'enfant eurasien qui a grandi. Sa mère fait partie de la délégation vietnamienne mais il ne la rencontrera pas...


Cette vaste fresque, couvrant plus de vingt ans de l'histoire coloniale de 1930 aux accords de Genève, à travers les destinées d'une poignée de personnages pris dans la tourmente d'un pays déchiré, est certainement le film le plus accompli qui ait été tourné sur le sujet dans les limites de l'imagerie, car il y eut, entre autres, celui très documenté sur le corps expéditionnaire français au Viêt-nam La 317e Section de Pierre Schoendoerffer. La cheville ouvrière de l'entreprise a été le co-scénariste Erik Orsenna, prix Goncourt 1988 pour son roman "L'exposition coloniale", auquel le producteur Eric Heumann souhaitait tout d'abord confier les rênes de la réalisation du film, mais qui échurent au metteur en scène Régis Wargnier, déjà connu pour deux bons mélodrames : La femme de ma vie et Je suis le seigneur du château.


Avec "Indochine" , qui date de 1992, le réalisateur va accompagner le narratif de l'écrivain - fasciné par le côté impérial de la civilisation indochinoise - de l'omniprésence des admirables paysages de l'Extrême-Orient, depuis l'île du Dragon à la baie d'Along, qui servent de toile de fond grandiose à cette histoire de violence et de passion, comme le cinéma français en compte finalement assez peu - l'équivalent pour la guerre d'Indochine à ce que fut, pour la guerre de Sécession Autant en emporte le vent , toutes proportions gardées.


Orsenna, sympathisant modéré de la cause révolutionnaire qui a écrit le scénario en participation avec Louis Gardel et Catherine Cohen, a voulu rendre hommage au courage d'un peuple humilié en cadrant ce récit autour d'un personnage phare, celui interprété par Catherine Deneuve dans le rôle en or de la femme colon attachée à sa terre. Autour d'elle, figure de proue tutélaire, tourne la ronde des amours contrariés, des conflits raciaux, des trafics d'influence, des guet-apens successifs, des trahisons et des fidélités, monde grouillant que domine également le personnage truculent d'Asselin pour qui seul le profit compte et que campe admirablement le regretté Jean Yann. Un roman-fleuve exotique, aux partis pris affichés, soit ! mais qui charrie quelques belles pépites. D'ailleurs le public lui fit un accueil triomphal, concrétisé par l'Oscar du meilleur film étranger en 1993 et par cinq Césars la même année. Catherine Deneuve dans le rôle d'Eliane Devries, auquel elle sut prêter une grande autorité, fut nominée pour celui de la meilleure actrice à Hollywood. N'oublions pas Dominique Blanc, merveilleuse actrice qui n'a ici qu'un second rôle, celui d'Yvette, et la touchante Linh Dan Phan en princesse annamite.

abarguillet
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le 30 nov. 2015

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