Bien entendu, je savais avant de voir ce film que la comparaison avec le chef-d'oeuvre dont il est le remake ne serait pas à son avantage. Mais au-delà de la simple différence de qualité entre les deux oeuvres qui tient à la différence de talent entre leurs auteurs, il est frappant de contaster que l'Amérique, s'emparant de La Femme infidèle, n'en garde qu'un argument sulfureux et en ôte tout ce qu'il avait de pervers. Cela passe d'abord par la place plus importante accordée au personnage féminin, qui devient le protagoniste, au détriment du mari qui tenait ce rôle dans le film de Chabrol. Chez Adrian Lyne, on peut ainsi suivre l'itinéraire mental qui conduit Connie, mère de famille bien rangée mais néanmoins splendide, à tromper son mari. On pourrait penser qu'elle le fait par ennui, comme Hélène/Stéphane Audran, mais le film nous la montre surtout tomber entre les griffes d'un prédateur auquel on ne peut dire "non". Et si elle se laisse tenter, ce n'est pas tant pour le cul (même si le film est assez hypocrite à ce niveau-là car il fait du sexe son argument marketing) que par amour. Or, d'amour il n'était pas question dans le film de Chabrol, ou de façon implicite. Ce faisant, Lyne (ou ses scénaristes, ou ses producteurs) fait de la femme une victime naïve, dont le spectateur américain pourra plus facilement accepter l'incartade. Son amant, français évidemment, est lui l'incarnation de ce que n'aime pas l'Amérique : il est oisif, intellectuel, séducteur, et étranger - tout l'opposé de Richard Gere/Edward, bon père de famille et homme d'affaires à succès, qui n'a semble-t-il jamais regardé une autre femme que la sienne. Aussi, l'élimination de l'amant se fait sans autre regret que celui d'être passé du mauvais côté de la loi - même pour Connie, qui de toute façon allait le quitter, n'acceptant plus de "vivre dans le mensonge". On se demande ensuite si la femme infidèle n'a pas davantage à se faire pardonner que son mari tueur... Et puis, comme de perversité il n'est pas question dans ce film, le couple ne peut se ressouder immédiatement après le meurtre, comme il le faisait chez Chabrol. Il faut en passer par moult disputes et torrents de larmes, avant une réconciliation qui intervient à la toute fin, alors que le destin carcéral du mari est déjà scellé. Finalement, la médiocrité de ce film se résume en un moment, terrible pour le cinéma et pour la gent féminine, où la scène de la rencontre entre les amants est rejouée, mais avec un "happy end", Connie ne montant pas chez Paul. La responsable de tout cela dans le couple, c'est donc bien elle.
Pourtant, le film n'est pas désagréable. Diane Lane est presque aussi belle que Stéphane Audran et elle se révèle très bonne actrice. L'intrigue est tenue, prenante, et le plan final est habile. En somme, c'est une franche réussite compte tenu de l'ambition de départ. Et puis il y a cette scène dans le bistrot, qui à elle seule vaut le détour. Je résume la situation : Connie se rend chez Paul mais, à quelques mètres de son immeuble, elle croise deux vieilles amies qui lui proposent un verre. Elle tente de se dérober mais impossible. Alors, dès son arrivée dans le bistrot, elle téléphone à Paul, qui la rejoint immédiatement. Pause toilettes évidemment, je vous passe les détails. Mais à leur retour, les deux amies se mettent à fantasmer sur Paul, que Connie fait mine de ne pas avoir remarqué... Je m'arrête là, car le reste passe par l'image. Cette scène, brillamment écrite, donne aussi l'impression d'avoir un peu dérapé au tournage, et de durer plus qu'il n'était prévu. En deux mots, c'est du cinéma.