Après le visionnage de Boulevard de la mort, j'étais très déçu du virage que prenais Tarantino. Il était pourtant inéluctable ce virage, il apparaissait déjà dans Kill Bill, bien qu'il fût extrêmement discret et sous-jacent. Les deux volumes de Kill Bill sont très bon mais certaines fois, après un repas copieux, on sent la nausée qui commence à monter. Boulevard était la nausée, Inglorious Basterds sera le vomi.
Énumérer tous les défauts d'IB est une tâche assez fastidieuse. Je commencerai par évoquer ce qui me semble le plus évident, c'est-à-dire la connerie abyssale du film. Conçu comme une parodie, IB est très caricatural. Trop caricatural, à un point où la critique disparaît, où il ne reste que d'infantiles provocations et de pitoyable personnages. Ils sont grossier, tous autant qu'ils sont. Quentin n'a même pas daigné leur donner une quelconque profondeur: on ne sait rien d'eux, on ne connait pas leurs motivations etc... Le seul personnage un tant soit peu intéressant est Shosanna Dreyfus. Mais outre l'absurdité de son nom (aucune juive en France ne s'appelait Shosanna, mais plutôt Suzanne. Et Dreyfus...sérieux ? Tu veux venger Alfred ?) Mélanie Laurent ruine le personnage. On ne ressent rien pour elle : elle pleure après avoir parlé à celui qui a tué toute sa famille, et on s'en fout complètement. Le rôle était déjà mal écrit, autant dire qu'elle n'arrange pas les choses.
Brad Pitt est aussi très décevant. Son personnage, Aldo, n'a pas d'histoire. Il veut buter les méchants nazis antisémites. Tarantino ne fait même pas l'effort de nous donner une raison, même absurde, qui motiverait ses actions. Tout ce qu'on sait c'est que c'est un américain qui prend un malin plaisir à tuer des nazis, à les torturer, et à faire en sorte que leur appartenance au nazisme soit connue de tous et jamais oubliée. Autre le côté très con, Brad Pitt est vraiment pas génial, il en fait des caisses avec un accent bien lourdingue.
Et quand les personnages sont approfondis, ça ne sert à rien. C'est le cas d'Hugo Stiglitz. On a un petit moment consacré à lui, qui n'a aucun intérêt. On voit juste un mec étouffer des officiers de la Gestapo et ça s'arrête là.
À première vue, on pourrait reprocher au film son manichéisme. Mais il ne l'est pas vraiment en réalité, les personnages étant tous aussi détestables. Et c'est là qu'on ne peut que constater l'absence d'intérêt d'IB: il se veut une parodie, mais n'apporte aucune critique, même inintéressante. Mais moi Quentin ne me trompe pas, j'ai bien compris son petit regard sur la situation. En fait, c'est une belle propagande américaine que nous avons là: les soldats, bien que cons comme des balais, font le bien. Les Allemands ils sont tous nazis de toute façon, et même quand ils sont alliés on les torture. Quentin étale ici sa grande vision bien-pensante de petit-bourgeois américain qui se prend pour le sauveur de l'humanité. Le messie démocratique. Il est tellement ethnocentré que les Basterds scalpent pour le bon plaisir d'Aldo les nazis. En premier lieu, je ne comprend pas pourquoi Tarantino a rajouté cet élément, ça n'apporte strictement rien au récit. Mais ce n'est pas là par hasard. Bah oui parce que Quentin, avec ses 0,5% de gênes Amérindiens se sent touché par cette cause. Ainsi, il venge ses ancêtres des méchants colonisateurs, qu'il prend pour des Allemands d'ailleurs. Faudra lui dire que c'est les Américains qui les ont butés à l'occasion... Il n'y a jamais une remise en question, les américains ils sont gentils et dans la vision révisionniste du réalisateur, c'est eux qui sauvent le monde. Les russes ? On s'en tape. Même le plan de Shosanna et de Marcel ne sert finalement pas à grand chose: c'est les gentils juifs américains qui tuent Hitler, qui le canarde jusqu'à ce qu'il soit méconnaissable, pour que l'on comprenne bien qu'il est pas gentil. On voit bien ici l'état d'esprit typiquement américain, et il est détestable.
Tarantino semble aussi vouloir utiliser le cinéma, son moyen d'expression artistique, comme outil pour détruire le nazisme. Le film repose sur l'attentat du cinéma. Et bien que le nazisme soit évidemment condamnable et néfaste, cette vision, presque ce devoir moral que Quentin donne au cinéma me révulse au plus au point. Le cinéma n'a pas à être moral, et encore moins le destructeur d'idéologies qui ne plaisent pas à Mr Tarantino. Voilà une idée bien curieusement fasciste pour un film aussi bien-pensant...
Au-delà de ça, je trouve le film très peu original. Tarantino nous ressort les mêmes plans qu'il a déjà exploité et ne propose rien de nouveau. D'ailleurs on a bien compris qu'il sait les écrire les dialogues, et qu'il aime ça...C'est une logorrhée continue de deux heures trente. Et pourtant j'aime ça les dialogues, mais là ils ne servent à rien, n'apportent rien au récit ou au personnages.
En plus de ne rien apporter, le film est vulgaire, ne se refusant aucun cliché ni scène de mauvais goût (Goebbels qui baise sauvagement son interprète en poussant des gémissements aiguës d'hystérique...).
Tout n'est pas à jeter non plus : la tension de la première séquence et de celle du bar fonctionne bien. C'est le tout le problème, et le film est le tout. Séparément, certaines séquences sont assez réussies.
En soi, le film n'atteint pas la débilité de Boulevard de la mort, mais il perd cependant en intérêt cinématographique, là où Boulevard avait le mérite de proposer des choses.
Un film très con mais qui se regarde, le rythme, bien qu'étant très mal équilibré, rend les deux heures trente à peu près endurables. Et vous en aurez besoin d'endurance.