A sa sortie, beaucoup avaient été désarçonnés par le culot du scénario de "Inglourious Basterds", organisant "pour le plaisir" une revanche des juifs sur la barbarie nazie - sans happy end pourtant, puisque les bons meurent, les plus cruels survivent, les imbéciles aussi... -, aussi bien que par le formalisme précis, voire méticuleux de chacun des chapitres du film. Il se trouve pourtant que, comme la plupart des films de Tarantino (et contrairement à ce que l'on avait pu craindre à ses débuts), "Inglourious Basterds" se bonifie à chaque vision, et nous offre le plaisir ineffable de toujours y découvrir de nouvelles subtilités : art de la parole toute-puissante (l'utilisation brillante - et si rare dans le cinéma américain - de plusieurs langues, et l'idée que le pouvoir réside dans la maîtrise de celles-ci... d'où le triomphe inévitable du nazi "chasseur de juifs" !) et jouissance de la mise en scène (l'acmé du massacre dans le cinéma en flammes, mais pas seulement), les deux axes du meilleur cinéma de Tarantino fonctionnent à plein dans ce film à la fois follement théorique et merveilleusement idéaliste. Célébrons en effet cette idée, belle à en pleurer, que, dans un monde de contes ("Il était une fois dans la France occupée"), le Cinéma pourrait venir à lui tout seul à bout du nazisme, et offrir au peuple juif une vengeance méritée. Admirons la manière dont Tarantino liquide ses personnages les plus aimables, réintroduisant au sein de son film-fantasme la vraisemblance de la mort réelle. Et n'oublions jamais cette apparition stupéfiante, dans la première scène (d'anthologie) de film, d'un Christoph Waltz qui nous était encore inconnu, dans un rôle "de méchant" qui marquera le Cinéma. [Critique écrite en 2009, 2010 et 2011]