Inglourious Basterds par NickyLarson
Tour de force de subtilité ou gloubiboulga bancal ouvert à surinterprétation? Je préfère choisir la première option. Subtil n'est certes pas le premier adjectif qui vient à l'esprit devant la surenchère visuelle du film, mais sa force réside à un autre niveau. Quentin Tarantino est célèbre pour ses métaphores cinématographiques; celle-ci semble à ce jour sa plus aboutie. Le discours métaphorique et l'intelligence de la construction de Pulp Fiction, l'occidentalisation outrancière de Kill Bill, l'enfermement machiste fantasmé avoué dès les premières minutes de Reservoir Dogs, esquissaient une mise en abime systématique et clef pour l'appréciation des films du réalisateur. Ce dernier film la confirme, et dessine son importance : la cristallisation en personnages et situations types d'archétypes de l'inconscient collectif, autre clef de lecture récurrente, ne suffit pas à justifier son existence. Car quels personnages, et surtout quelles situations? Relatées, sublimés, par la bouche du témoin. Le film ne montre pas, il raconte. Le filtre de la narration est ici exacerbé dans un effort de mise à nu. La construction tragique a son importance : on est ici au théâtre, pas dans un cinéma documenté, témoin et qui cherche à découvrir, à montrer ce qu'il y a au-delà; on est dans un cinéma de l'artifice, du fantasme absolu.
Construction tragique, mais surtout développement de farce. L'incongru brise les tensions dramatiques, la bouffonnerie prend d'assaut les figures intouchables. Surenchère visuelle, dramatique, mais aussi du langage : tout est pensé à la première personne, aucun effort n'est fait pour s'extraire du paradigme culturel du réalisateur. L'accent italien piteux et le titre écorché s'imposent comme signes et clins d'oeil du parti pris de mé-traduction. Mot à mot, à la lettre, aucun sens ne subsiste. Le naturel n'a pas sa place : on assiste à une pièce, une comédie où l'autre est plus vrai que nature, vrai selon les propres codes du réalisateur.
Enfin, point d'orgue de la métaphore, même la farce échoue : l'issue prédite dès les prémices de l'action, la rencontre tant attendue, n'a jamais lieu. Le soufflé retombe, sans un bruit, sans prévenir. Un pétard mouillé. Le réel coup de maître, c'est que ce développement est à l'image de la promotion du film : une promotion de film d'action pour un film tirant plus de l'espionnage, des personnages qui n'existent que dans des histoires pour faire peur aux nazis, la bande annonce présente l'histoire contée dans l'histoire, on attend quelque chose qui ne viendra jamais. L'effet de buzz en queue de poisson brise les limites du film en tant que tel et étend l'oeuvre au-delà de son contenu. Plus qu'une mise en abime, on a une ouverture sur l'hors-texte, nouvelle clef de lecture décryptée qui redonne un souffle de vie aux oeuvres précédentes du réalisateur.
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