Paul Thomas Anderson a 44 ans et le 4 mars 2015 sera dévoilé son septième long-métrage : Inherent Vice. En 1996, alors âgé de 26 ans, PTA réalise enfin sa première construction (inspiré de son court Cigarettes and Coffee) rebaptisé « Hard Eight » par les producteurs. En 1997, il se lance alors dans l’aventure Boogie Nights, une œuvre majeure dans la filmographie du réalisateur. Inspiré directement d’un autre court-métrage réalisé à 17 ans, Boogie Nights suit l’ascension et la chute d’un acteur porno, Dirk Diggler magnifiquement joué par Mark Wahlberg. Des le premier plan, un séquence de 7 minutes se baladant autour puis à l’intérieur d’une boite, PTA s’impose comme un grand, techniquement et narrativement parlant. Arrive alors un grand film choral avec une tripoté d’acteurs « Magnolia », suivit d’une comédie improbable « Punch Drunk Love » avec Adam Sandler. PTA fait alors une pause dans le cinéma. Mais c’est pour mieux revenir en proposant « There Will Be Blood » une fresque incroyable sur fond de pétrole. En plus d’une technique de grande envergure et d’une immense force narrative, PTA s’illustre désormais comme un directeur d’acteur confirmé. Arrive alors The Master en 2012, première collaboration avec Joaquin Phoenix, et cinquième collaboration avec le regretté Philip Seymour Hoffman. Un film puissant sur la montée d’un leader et d’un mouvement sectaire dans lequel se perd un ancien soldat, inadapté à sa nouvelle vie et noyé dans l’alcool. Nous sommes en 2015, septième œuvre de PTA, Inherent Vice chamboule, étonne, ravi, et confirme largement la grandeur du réalisateur.


Doc Sportello, détective privé et grand amateur de joints, enquête sur la disparition du milliardaire Mickey Wolfman dans un Los Angeles des années 70.


Depuis There Will Be Blood, PTA s’empare d’une période précise pour faire évoluer des personnages, pour créer une ambiance. Pour mieux entrer dans l’atmosphère d’Inherent Vice, il faut se laisser porter par les situations, les directions que prennent les personnages. L’ex petite amie de Doc débarque à l’improviste chez lui, et lui fait savoir que certaines personnes ont pour projet de rayer Mickey Wolfman de la carte. Mais le Doc, c’est un sensible. Il se lance alors dans l’enquête de la disparition du milliardaire, plus par manipulation sentimentale que par réel intérêt professionnel. Si la plupart du temps le spectateur a le soucie de l’intrigue, de sa compréhension et son développement, ici il se doit d’accepter de se laisser porter n’importe où. La plupart des personnages introduits et des situations dévoilés relèvent de la pure monstration. Les séquences perdent le spectateur dans une enquête qui n’avance pratiquement pas et qui s’embourbe dans les noms de diverses personnes dont on a oublié les visages, où dont on ne connais pas encore les visages. On apprend à ne plus chercher et à contempler les personnages et l’univers crée. Le tout dans un bain de rire. Alors pourquoi plait-il ? Et bien parce que c’est juste, c’est millimétré et qu’en fin de compte, même si l’on finit par capter l’histoire, les personnages et que l’on remarque que cette enquête tombe à l’eau, on reste scotché par le déroulement de chaque séquence. Et certainement, ce qu’il y a de marquant c’est cette impression d’avoir suivit l’enquête de la même façon que Doc Sportello, totalement défoncé. Les personnages se croisent discutent, et on ne suit que Doc. Chacun d’eux à sa propre vie, tout le monde impose son respect, fais avancer l’intrigue par son savoir et ses connaissances, et le pauvre Doc, le seul véritable humain doté de sentiments et d’émotions dans ce chaos, lui, ne sait pas bien ce qu’il fabrique ici. Et nous non plus, ce qui laisse la place à un humour décapant et vraiment original.


Chaque plan est soigné, la pellicule apporte ce grain tant convoité par beaucoup de réalisateurs. Paul Thomas Anderson a d’ailleurs apporté la pellicule à développer dans un laboratoire. Mécontent du résultat, il décida de développer le tout, seul, chez lui. Petite anecdote qui a son importance lorsque l’on voit le résultat vraiment bluffant. Une image granuleuse mais totalement en rapport avec son époque, son thème et son atmosphère entre rêve et hallucinations. Beaucoup de séquences introduisant des personnages se concentrent sur un seul plan, un long travelling partant d’un plan large pour glisser lentement vers un plan plus sérré des deux personnages en train de discuter. La force de ces plans réside dans l’interprétation incroyable de chaque acteur, la lumière parfaite et l’importance des dialogues tant pour l’humour que pour la morphologie du protagoniste introduit. C’est impressionnant d’originalité, de culot et de justesse. A cela se rajoute le casting haut de gamme. Pouvoir voir sur un même plan Benicio Del Toro, Joaquin Phoenix et Josh Brolin, moi je dis chapeau. J’ai beau être un grand fan, Joaquin Phoenix livre une nouvelle fois une prestation parfaite. Quant aux seconds rôles, Josh Brolin dévoile son énorme potentiel humoristique dans un rôle taillé pour lui. Benicio Del Toro, colle lui aussi parfaitement à l’époque apportant beaucoup d’humour et surtout une présence incroyable. Enfin Owen Wilson dépote en musicien perdu, il confirme lui aussi son énorme talent et ravie le spectateur par ses apparitions totalement improbables et sa façon d’être délirante. Cet ensemble se meut dans un tourbillon musical crée par Jonny Greenwood, a qui l’on doit déjà les bandes originales de The Master et There Will Be Blood. Le tout mixé avec d’autres morceaux allant de Minnie Riperton à Neil Young. Bref une énorme présence sonore qui imbibe l’image d’une ambiance encore plus fantasmagorique.


La suite de la critique sur le cinéma du ghetto :


https://lecinemadughetto.wordpress.com/2015/02/25/inherent-vice-2015/

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le 25 févr. 2015

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Charlouille .

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