De PTA, je n'avais vu jusqu'à alors que There Will Be Blood, et même si j'ai bien dû m'incliner devant ce tour de force, le film m'avait malheureusement complètement laissé de marbre. J'avais donc mis en stand-by l'idée d'explorer la filmographie du réalisateur le temps de... le temps de. Enfin bref, voilà tout de même presque un an que je me tâte à lui redonner une chance tant ce projet me faisait de l'oeil, de par son casting non seulement, mais aussi son sujet (je précise à cela que je ne suis que très peu familier avec l'oeuvre originale que je n'ai pas lue). Et finalement, j'ai vraiment pris un pied fou face à cette véritable proposition de cinéma, si rare de nos jours dans le cinéma américain, que j'aime à penser comme un cousin lointain de The Big Lebowski.
A la confusion générale vécue par ses personnages et provoquée par son intrigue tentaculaire et enfumée, PTA oppose une mise-en-scène millimétrée, de la construction du cadre au montage, tout est hyper bien pensé pour accueillir un monde burlesque et fascinant. Chaque personnage, aussi secondaire qu'il soit, est une rencontre atypique et délicieuse. Dès le départ, on rencontre la narratrice Sortilège, incarnée par la chanteuse Joanna Newsom, et c'est d'ailleurs là une des nombreuses excellentes idées du film. Sortilège accompagne le spectateur de la même façon qu'elle accompagne le héros Doc (Joaquin Phoenix égal à lui-même) et assume une fonction doublement fictive. La réalité étant très trouble dans ce film, on en vient à douter de tout ce qu'on voit à travers les yeux de Doc, de la même façon que de nombreux personnages doutent de ses propos. Une chose dont on est sûr, Sortilège n'est pas réelle, elle l'a peut-être été mais elle ne l'est pas dans l'action du film, la mise-en-scène rendant cela à peu près clair. A partir de là, on peut être quasi sûr que Shasta, l'ex de Doc (Katherine Waterston sublime), est elle aussi, telle qu'on la voit durant l'action du film (j'ai quand même un doute sur la première scène), le produit de l'imagination de Doc puisqu'elle évoque aussi Sortilège. Au final Shasta est ce qui motive la quête de Doc qui court derrière un amour perdu et désormais illusoire, ce qui justifie sa dernière action envers Coy (Owen Wilson) qu'il réunit avec sa femme, et fantasme par là sa propre réunion avec Shasta.
Bien sûr, ce que j'évoque ici n'est qu'un niveau de lecture parmi d'autre qui témoigne néanmoins de la richesse d'Inherent Vice, peuplé d'êtres énigmatiques et absurdes. Doc se noie dans ce flot et tente de se raccrocher à la seule chose qui semble compter pour lui: Shasta. Mais d'un autre côté, il y a la drogue, l'autre personnage principal du film, qui efface toutes les frontières de la réalité du film, nous obligeant à les redéfinir et lui laissant l'espace de ne faire qu'un avec certains personnages (Shasta?).
En tout les cas, après ce film, je me réjouis à l'idée d'avoir encore une grosse partie de la filmographie de PTA à découvrir. Je ne suis pas revenu sur la musique parce qu'elle est juste parfaite.