C’est dans les vieilles looses qu’on fait les meilleurs flops

Lorsque le personnage de Llewyn Davis, personnage de loser magnifique, typiquement caractéristique des héros Coeniens, se prend une raclée dans une impasse par un sombre personnage tout droit sortie d’un film-noir, l'art de l'entrechoc selon les Coen's Brothers, on est loin d’imaginer que cette scène, reprise en toute fin sous un autre angle, illustre l’unique direction que ce personnage de musicien toujours en retard sur son temps, emprunte lamentablement, et c’est par cette voie ténue que notre empathie ne peut qu’aller vers lui.


Le loser. Grand sujet récurrent du cinéma des frères Coen, tantôt magnifié en mode mystique dans The Big Lebowski, tantôt en mode film de gangsters avec Miller’s Crossing, sert ici à cette peinture d’une tranche de vie d’un musicien plutôt doué, pas très empathique, mais dont la capacité à s’accrocher à des choses qui seraient de l’ordre du futile, nous rendent finalement attachant.
L’art de passer à côte de tout et de se complaire dans cette chute amortie, avec une sorte d’acharnement qui rend cette quête absurde, quasi héroïque, tout ça filmé dans un New York gris et dépressif, donne à ce film une sorte de douce désillusion de l'americana.


Excellemment interprété par un Oscar Isaac tout en mélancolie désillusionnée, cet antihéros traverse cette odyssée folk avec une désinvolture telle qu’elle finit par valider sa chute à genoux dans une vieille impasse aux pavés humides, paye ta loose.


Pour tout amateur de cet instrument de musique absolu qu’est la guitare, cette épée du troubadour, la bande-son prédomine aisément. Avec leur vision, toujours désintéressée, et magnifiquement passionnée par tout ce qui ne brille pas, les frères Coen réussissent, encore une fois comme quasiment toujours, et peu importe le sujet ou le genre auquel il se confronte, sans jamais s’en départir, mais avec toujours cette distanciation, à imprimer une grande cohérence à ce qui chez d'autre pourrait paraître futile.


Ce nouveau portrait de la loose nous mène là où il a envie de nous mener. C’est ce qui est remarquable chez ces vrais cinéastes, les quelques derniers… ? que sont les frères Coen.

philippequevillart
7

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le 1 juin 2020

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