Mes aïeux, je suis sorti du cinéma littéralement frigorifié.
Je ne sais à quoi vraiment l'expliquer : il faisait tout simplement peut-être froid dans la salle. Mais quand même,salle immense et quasi déserte, deux de mes amis à mes côtés dont un tout aussi rassuré que moi, mes genoux qui faisaient des danses subsahariennes sur la moitié des scènes, mon corps entièrement crispé devant deux ou trois passages vraiment glauques... On peut dire que ce film m'aura fait de l'effet.
Mon aventure avec James Wan commence dans le désordre. Je n'ai toujours pas vu le premier Saw. J'avais raté / boudé le premier Insidious à sa sortie (parce que je croyais que le premier rôle était tenu par Justin Bieber à cause de l'affiche, mea culpa). Je suis allé voir Conjuring avec un des deux amis en question. J'ai flippé ma maman, magré des réserves ici et là et des conditions de projections pas tip top. J'ai ensuite vu Insidious 1 chez moi. Seul. Dans le noir. Et j'ai eu peur. Très peur. D'un film qui osait utiliser les vieilles recettes avec humilité. D'un film qui tenait un scénario intelligent, surprenant. D'un film enfin qui créait de l'horreur avec des images rares, peu vues (ce démon rouge qui se détache sur un fond gris, au détour d'une scène de récit oral...). Il fallait donc que je voie le 2, par curiosité, pour vérifier ce que je pressentais de génial chez ce James Wan.
Autant dire que mes doutes ont été positivement confirmés : il y a du génie chez ce type. Il y a de l'amour du genre aussi, et beaucoup d'application et d'ambition.
J'aime énormément de choses dans Insidious 2 : son prologue, d'un classicisme certain, en flashback. Qui a le mérite d'être la mise en image d'éléments racontés dans le premier film, soit le passé paranormal d'un personnage central (le père, ici enfant). On y retrouve ce goût du fantôme traqué sur pellicule, une idée certes pas neuve mais terriblement efficace et intelligemment liée à la nature du medium photographique.
J'aime aussi le fait que le film soit une vraie suite prévue d'emblée, dès l'écriture du premier volet, et non écrite à la va-vite après le succès du film initial. Ou si c'est le cas, putain alors c'est juste un coup de maître d'avoir su élaborer un scénario pareil. En effet, le film ne se contente pas de garder le même fond horrifique et de changer de personnages, ou bien de garder tout et de recommencer, comme bien des suites du genre. Non, là on démarre (après le prologue) là où le précédent s'arrête : on a un mort et il faut en répondre devant la justice - bien souvent oubliée dans les films d'horreur, ici c'est un signe de l'ancrage dans un certain réalisme du film.
Une fois ces détails administratifs réglés (mort inexplicable, époux relaxé), on sait déjà que quelque chose ne va pas : oui, l'époux qui est revenu à la fin du premier volet n'est pas le bon. Le film n'entretient aucun suspense futile là dessus : on a le bon humain coincé dans les limbes et l'esprit maléfique dans son enveloppe corporelle, prêt à en découdre parmi les vivants. L'inversion est donc géniale : c'est l'esprit bénéfique qui se manifeste désespérément de manière surnaturelle pour donner l'alerte et le mal incarné qui sème la pagaille impunément. Les scènes de résolution où cette supercherie est finalement démasquées sont remarquablement touchantes. Quant à la logique narrative du film, elle avance sur deux moteurs : d'un côté un hommage (trop?) appuyé à des grands films du genre, ici Shining de manière évidente, mais pas que; et de l'autre une élaboration remarquable de va-et-vient dans l'espace-temps permis par cette idée des voyages oniriques dans les limbes.
Non content de croiser ainsi au sein du film différents espaces-temps superposés, James Wan réalise le tour de force de retourner (et par la même d'expliquer) des scènes du premier volet, revues depuis un autre point de vue. Et c'est brillant car cela remet en perspective ce que l'on pensait savoir du premier film et éclaire quelques zones d'ombres. Le message étant toujours le même, à savoir que les manifestations surnaturelles, si inquiétantes soient-elles, ne sont pas toujours d'origine maléfique. Tout le problème étant de savoir les déchiffrer. Rien que pour cette audace et cette inventivité, j'aime ce film (ces films, devrais-je dire).
Je lui pardonne alors aisément ces quelques gros défauts : utilisation un peu abusive du jump scare et de la musique "spooky" (au demeurant très bien) là où il n'y en avait pas forcément besoin, béances parfois criantes dans le scénario (quelques hasards trop heureux, quelques incohérences monstrueuses dans la manière de procéder des personnages ou dans les ellipses). Et quelques ruptures de ton qui ne fonctionnent pas : une séquence émotion ratée dans les limbes, les tentatives d'humour (marque de fabrique dans les 3 derniers films du cinéastes) avec les personnages de geeks scientifiques qui tombent totalement à plat.
Sinon, comme toujours, la direction artistique est irréprochable : décors sensationnels et intelligemment utilisés, belle mise en scène qui ne refuse pas l'ampleur et la lenteur de mouvement millimétrés, beaux cadrages, belle photo pas forcément marquées "70's cracra" comme dans Conjuring, musique trop typique mais bien exécutée. La toute fin laisse deviner un sequel de plus, mais s'il est de ce niveau, je dis oui d'emblée. Une bien belle franchise donc, qui s'offre le luxe de se payer une identité propre en réutilisant des astuces bien connues et bien identifiées (le banc titre qui fait très Sam Raimi). C'est donc définitivement dans les vieux pots qu'on fait les meilleurs soupes, en terme de films d'horreur du moins.
PS : Patrick Wilson, même si tu fais du sous Nicholson dans le film, je t'aime.
PPS : Rose Byrne, épouse-moi.