Essentiel mais difficile.
Il est incroyable et incompréhensible que ce documentaire, signé par l'un des chefs de file du cinéma allemand contemporain, Werner Herzog, n'ait pas profité d'une meilleure diffusion en salle.
Into the abyss explore les méandres de l'humanité en abordant de front, et en le décortiquant, un fait divers glauque et sordide survenu au fin fond du Texas en 2001, qui a valu la mort à trois personnes et la condamnation a perpétuité et la peine de mort pour les deux meurtriers, âgés de 18 ans lors des faits... Tout ça à cause d'une voiture rouge trop convoitée...
Méthodiquement, le réalisateur interviewe les différents protagonistes de l'affaire : les condamnés, le père de l'un d'eux (également en prison), la fille et sœur de deux des victimes, le frère de l'autre victime, le flic qui a mené l'enquête... et d'autres... avec toujours le même ton de voix, sans oublier qu'il parle avant tout à des êtres humains.
Il rencontre également un aumônier et un ex-bourreau qui racontent leurs douloureuses expériences. Leurs témoignages, la façon qu'ils ont de parler des derniers instants d'un condamné qui ont constitué (ou constitue) leurs quotidiens, sont bouleversants.
Au-delà du plaidoyer anti peine de mort, le film d'Herzog nous interroge sur l'Homme. Comment peut-on en arriver à ce constat-là ? Quel sens donner à sa vie ? Qu'est ce qui pousse aujourd'hui des personnes, a fortiori, des jeunes garçons, à tuer parce qu'ils convoitent quelque chose d'aussi futile qu'une automobile ? Comment dans un pays comme les Etats-Unis, l'accés à l'éducation n'est pas une évidence ? Y a t-il un déterminisme qui fasse qu'un fils de condamné passera forcément par la case prison ? Herzog ne donne pas de réponse mais réussit à nous faire cogiter.
Sans jamais forcer l'émotion, ce n'est clairement pas sa démarche, le réalisateur nous offre un film très sec et difficile à digérer. Je ne pense pas qu'il cherche à faire de prosélytisme, il titille juste l'intelligence du spectateur qui se sentira bien seul et bien faible face à cette histoire qui en rappelle, malheureusement tellement d'autres.