Des monts et montagnes, des plaines et des bois, des splendeurs et des richesses, tu ne connais que leurs noms, leurs images, leurs sonorités. Tu ne les connais que par la poésie des lectures, la vie d'autres qui vivent, aiment et meurent mais jamais dans ce même ordre. Il t'as fallu souffrir mille morts et franchir mille obstacles pour ne serait-ce qu'apprendre une chose : N'est vraiment vivant que l'homme qui gravit monts et montagnes, arpente plaines et bois, ressent les splendeurs, constate les richesses. N'est réellement libre que l'homme qui s'abandonne aux tourments et à la puissance, la brutalité d'une Nature sans failles, n'existe que l'esthète, cet enfant naïf qui survit en chacun, celui que tu pensais oublier en chemin, celui que tu ne retrouves que lorsqu'il est temps de mettre les voiles.


Alors tu quittes tout, mû d'un espoir, un idéal impossible, tu abandonnes les tiens, deviens le seul être vivant de la Terre, du moins tu le crois. Tu renies cette existence passable, cette fatalité de vie dans laquelle, sur trente générations, tes ancêtres ont posé les fondations. Tu oublies ton passé comme pour le fuir, le laisser bien loin, avec les larmes et les cris d'une enfance saccagée. En chemin vers l'ultime Vérité, tu rencontres d'autres âmes, d'autres Hommes perdus, cherchant par tous les moyens de trouver ne serait-ce qu'une vague réponse à ce que le monde peut apporter, au temps qui incombe à tous. Tu leur rappelle un fils, un petit-fils, un amant qu'on a longtemps fantasmé, un ami qu'on pensait ne plus jamais croiser.


Mais pas question de s'arrêter avant d'avoir gravi ces monts et ces montagnes, avant d'avoir arpenté ces plaines et ces bois, avant d'avoir ressenti les splendeurs et constaté les richesses. Ton périple se durcit, tu rentres dans l'adolescence puis l'âge adulte, l'âge de fonder un foyer et d'élever. Tu te confrontes à la réalité, tu te fais démolir, ton rêve ne t’apparaît plus que comme une chimère, aussi séduisante qu'immonde. Tes pas te mènent de contrées en contrées jusqu'à ce que la voie du grand Nord s'ouvre et te laisse t'engouffrer. Tu survis, tu ne vis point, tu tentes de reconstruire mais tu détruis, bafoues, violentes, tu perds la raison et sombres dans la faiblesse.


Qu'importe, être fort n'est que peu utile pour qui ne se sentirait pas fort en lui-même, pour qui les fantômes du passé ne seraient apaisés. Qu'importe ce que tu as laissé derrière car au bout, il y a ces monts, ces montagnes, ces plaines et ces bois, la splendeur d'une Nature immaculée, vierge de tous maux, une richesse, une sagesse de vie qui n'est atteignable qu'au prix d'une mort sèche, une bouleversante sagesse qui te fait avouer ton besoin primal de partager, d'aimer un Autre, de lui vouer une partie de ta réalité pour qu'enfin, elle existe...et toi avec.


A la fin, si tu as vu et appréhendé cette Nature comme on s'émeut du grand mystère, si cette liberté t'es acquise, si ton histoire s'achève, sauras-tu ce qu'il en est de la Vérité ?

Fosca
10

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le 19 oct. 2016

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