IP5, l'île aux pachydermes est le pénultième long-métrage de Jean-Jacques Beineix (dans une carrière n'en comptant que six et il a réalisé son dernier dix ans plus tard !). Mais ça, c'est à peine si on n'en a profondément rien à faire. Pourquoi ? Parce que le film s'est fait complètement voler la vedette par des circonstances malheureuses. Non seulement, c'est le dernier tour de piste pour Yves Montand, mais en plus, il n'a pas eu la possibilité de l'achever pleinement. Une crise cardiaque en a décidé autrement. Oui, comme son personnage de vieillard qui est prêt à être poussé dans le gouffre de la mort.
Qu'on le veuille ou non, il est impossible de visionner l'ensemble sans y penser tout le temps. Le destin a tout fait pour imprégner le tout du décès de la star, y compris certainement dans un final semblant précipité,
notamment un gros trou entre la fuite de l’hôpital et la suite, donnant l'impression qu'un gosse qui aide un vieil homme mourant à s'évader de ce type d'établissement est la chose la plus facile à entreprendre et à exécuter au monde.
Il y a tout le catalogue des défauts habituels du cinéaste. Un aspect kitsch parfois immonde (mention spéciale à la séquence d'ouverture avec le tag et le rap crée entièrement par la bouche, le premier pique les yeux, le second les oreilles !), un scénario faible qui peine à créer de véritables raisons d'être dans les relations entre les trois protagonistes, à leur donner une dynamique coulant de source du début jusqu'à la fin, s'engouffrant trop dans le répétitif, tout en s'avançant maladroitement par à-coups forcés au lieu d'approfondir petit à petit, progressivement. Mais le pire du pire, c'est incontestablement la direction d'acteurs.
Cela n'a jamais été le fort du réalisateur (ô euphémisme !). Olivier Martinez (on ne se pose même plus la question après de pourquoi son nom a été par la suite plus imprimé dans les pages people que dans celles de revues sur le septième art !) et Sekkou Sall ont un jeu atroce, d'une absence de naturel confondante. En ce qui concerne Sall, on peut encore lui trouver comme excuse qu'il est censé incarner un gamin de la banlieue, mais que ses dialogues ont été visiblement écrits par un adulte qui n'y a jamais posé un orteil. Des seconds rôles caricaturaux et en faisant des tonnes ne relèvent pas du tout le niveau.
Cependant, il y a Yves Montand. Et ce Monsieur était un artiste incroyable. En conséquence, son immense talent a dû combler naturellement les grosses insuffisances de Beineix. Les seules scènes convaincantes sont celles dans lesquelles il apparaît. Il est crédible en homme âgé étrange aux dons surnaturels, errant sur les routes. Il est à tel point excellent qu'il parvient même à rendre moins mauvais ses deux jeunes partenaires quand ils sont à son contact.
Au crédit du metteur en scène, seules quelques images des paysages naturels, servant de cadres, sont à sauver. Reste que c'est un film avec Yves Montand. C'est lui qui lui donne tout son intérêt, bien involontairement tout son contexte, volontairement tout son brillant. Ce sont les adieux hantés et bouleversants d'un monstre sacré.