Madame Irma et ses boules
Après La garçonnière, j’ai décidé de me repasser Irma la douce, non par parce que j’avais peur de l’avoir sous-évalué comme le premier, mais parce que j’avais le souvenir d’un moment bien...
Par
le 10 nov. 2012
31 j'aime
4
Voir le film
Nestor Patou (Jack Lemmon) est un nouvel agent de police dans le quartier des Halles, à Paris. Un peu trop zélé, et contrairement à ses collègues, il est bien décidé à ne pas fermer les yeux sur la prostitution qui marche à plein régime dans le quartier. Mais le jour où il organise une rafle dans un hôtel à prostituées, c’est pour trouver son supérieur dans les clients… Radié de la police, il ne trouve plus qu’un moyen pour gagner sa vie : devenir le proxénète de la seule prostituée qui a éprouvé un peu de compassion à son égard : Irma dite « la douce ». Devenant de plus en plus jaloux, il monte alors un stratagème pour faire en sorte qu’Irma ne couche plus qu’avec lui : se faire passer pour un lord anglais, qui deviendrait l’unique client d’Irma. Mais se faire passer pour un lord a un impact financier non négligeable…
Trois ans après La Garçonnière, Billy Wilder réunit encore une fois le formidable couple constitué par Jack Lemmon et Shirley MacLaine pour cette adaptation d’une comédie musicale française. S’il n’est nulle part question de musique dans le film, la comédie, en revanche, est bel et bien présente, et, même si Wilder boudera son film par la suite, on reconnaît bien sa patte inimitable, ainsi que celle de son inséparable compère I.A.L. Diamond. Les situations comiques s’enchaînent à un rythme certes peu rapide, mais de manière implacable et irrésistible.
Et à cette mécanique comique extrêmement bien rodée s’ajoute, une touche bienvenue de drame, qui rend les personnages extrêmement attachants, Wilder étant sans conteste un des meilleurs metteurs en scène de l’âme humaine, y compris (voire même « d’autant plus ») lorsqu’il place son film dans les bas-fonds parisiens. En effet, derrière le ton très trivial du film se cache une réflexion profonde sur la nature humaine, et même sur le pouvoir dévastateur du mensonge. Car c’est le mensonge qui pousse les personnages à devenir un autre (Irma qui s’invente une vie fictive pour apitoyer les clients afin qu’ils lui donnent un généreux pourboire, Nestor qui se déguise en lord anglais afin de garder celle qu’il aime pour lui, Moustache dont on a peine à croire qu’il a vraiment effectué tous les métiers par lesquels il dit être passé), et à se laisser dépasser par cet autre, Nestor finissant par parler de lord X comme un être existant à part entière
(ce qu’il deviendra à la fin, le personnage ayant effectué son rôle, et se libérant de la tutelle de son créateur)
qui lui vole sa vie. Pris à son propre piège, Nestor s’enfonce au fur et à mesure dans une spirale écrasante qui le broie et finit par le faire passer pour un criminel… Pourtant, c’est en tout bien tout honneur que Nestor ment, puisqu’il cherche ainsi à moraliser, tout autant qu’à régulariser, la vie de sa prostituée bien-aimée. Seulement, on ne guérit pas le mal par le mensonge, et ce n’est que lorsqu’il se sera décidé à
se débarrasser de l’encombrant lord X qu’Irma reviendra vers lui, car si lord X lui permet d’exprimer ses sentiments de manière directe et sans fausse pudeur, tuer lord X prouvera la grandeur de son amour pour Irma. Et, s’il devient, ce faisant, la proie de la police,
il aura fait comprendre à Irma, en même temps qu’il l’aura lui-même compris, que nulle relation ne dure si elle n’est basée sur la fidélité et la confiance mutuelle. Et si, dans tout cela, le mensonge aura servi à quelque chose, c’est, paradoxalement, à faire tomber les masques, et à mettre au jour la vraie nature de l’amour qui unit Nestor et Irma…
Pour servir ce bijou d’ironie wilderienne, nuls autres que Jack Lemmon et Shirley MacLaine n’auraient pu rendre avec autant de brio leurs personnages aussi attachants. Et si on sent que le ton de Wilder se relâche par instants, son exigence et sa rigueur sont toujours bien présentes, et lui permettent de nous offrir encore une de ces pépites pleines de charme dont lui seul a le secret.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de Billy Wilder, Les meilleurs films avec Jack Lemmon, Les meilleurs films de 1963 et Les meilleurs films avec Shirley MacLaine
Créée
le 29 sept. 2016
Critique lue 293 fois
4 j'aime
D'autres avis sur Irma la Douce
Après La garçonnière, j’ai décidé de me repasser Irma la douce, non par parce que j’avais peur de l’avoir sous-évalué comme le premier, mais parce que j’avais le souvenir d’un moment bien...
Par
le 10 nov. 2012
31 j'aime
4
C'est dans un quartier des Halles de studio d'un technicolor éclatant, dans une reproduction de Paris revue et corrigée par Hollywood, que Billy Wilder nous invite en compagnie du toujours épatant...
Par
le 4 sept. 2021
17 j'aime
2
Dans un Paris de carte postale (quel bonheur de revoir les Halles de Baltard avant qu'elles ne soient massacrées par Pompidou !), Irma la douce vend ses charmes recouverts de merveilleux bas verts et...
le 29 oct. 2013
14 j'aime
Du même critique
New York, 1969. Alors que le professeur Henry Jones (Harrison Ford) essaye de goûter des joies d’une retraite bien méritée, sa filleule (Phoebe Waller-Bridge) ressurgit dans sa vie. Cette dernière...
Par
le 2 juil. 2023
82 j'aime
52
Dans les méandres de la planète Corellia, où la population a été asservie aux ordres de l’Aube écarlate, organisation au service de l’Empire, un jeune homme, Han (Alden Ehrenreich) tente de s’évader...
Par
le 24 mai 2018
80 j'aime
32
1892, Nouveau-Mexique. Vétéran respecté de l’armée américaine, le capitaine Joseph Blocker (Christian Bale) se voit donner l’ordre de raccompagner le chef cheyenne Yellow Hawk (Wes Studi), en train...
Par
le 20 mars 2018
78 j'aime
15