But that's an other story...
Dans un Paris de carte postale (quel bonheur de revoir les Halles de Baltard avant qu'elles ne soient massacrées par Pompidou !), Irma la douce vend ses charmes recouverts de merveilleux bas verts et cherche le mac qui saura lui faire entrevoir le bonheur. Le trouvera-t-elle en la personne de l'ex-agent de police, Patou ? Ou celle du mystérieux Lord X., à l'accent anglais incertain...?
Voilà un bel imbroglio comme Wilder sait les diriger : les mensonges & les quiproquos s'y accumulent de manière irrésistible, avec leur lot de personnages farcesques en diable. Entre Irma (divine Shirley McLaine : comment ne pas fondre sous un tel regard ?), toute à sa joie et à sa fierté de "travailler" pour entretenir son homme,et qui bouleverse ainsi joyeusement les conventions sociales des années 60 ; Nestor Patou (irrésistible Jack Lemmon), oscillant entre la rigide naïveté de ses débuts et son rôle imposé de truand, qui met à mal sa pureté incorruptible ; son avatar, Lord X., qui multiplie les angleniaiseries et les références improbables (gros fou rire quand il parle de Gunga Din ou du pont de la rivière Kwaï ^^) avec un rire toutes dents dehors ; l'inénarrable Moustache aux multiples vies ("but that's an other story"... hilarant Lou Jacobi), le caniche ivrogne... Tous contribuent à créer un univers de boulevard, peuplé de poules aux seins victorieux, de mac en costumes trois pièces trop classes (même quand il leur manque un bras) et de flics aux képis corrompus.
Alors bien sûr, tout cela repose beaucoup sur du comique de répétition (les arnaques d'Irma, qui forment une bonne introduction au film ; les histoires de Moustache ; les déconvenues de l'ancien boss d'Irma ; la réplique du réceptionniste ; les mésaventures exténuantes de Patou aux Halles ; les bastons), sur l'acceptation d'un univers complètement absurde... mais ce film laisse émerger aussi une certaine tendresse pour ses personnages : comment ne pas être ému par les efforts désespérés de Patou pour entretenir sa douce ? Par sa jalousie improbable ?
Mais alors pourquoi seulement 7, me direz-vous ? Peut-être parce que, malgré tous ces ingrédients de charme, le rythme est un peu inconstant, par rapport à un "Spécial première" complètement survolté. Wilder ne semble pas complètement convaincu par son sujet : est-ce sa structure répétitive, la dose d'absurde trop élevée ? Est-ce parce qu'il est conscient de vouloir répéter le succès de "La Garçonnière" ? Est-ce parce que la tendresse de cette bluette l'emporte sur son ironie habituelle ? Parce que le film aurait pu être amputé d'une bonne trentaine de minutes (2h20, tout de même !) et traîne en longueur jusqu'à une fin improbable ?
Peu importe : quoique moins réussi que le reste de sa filmographie, Irma la douce fait toutefois passer un agréable moment, et sortir, le sourire aux lèvres, en repensant à certaines répliques loufoques et au merveilleux camaïeu de verts de la garde-robe de l'héroïne (en ce qui concerne l'amoureuse de teintes viridescentes que je suis).