Qu'est ce qu'un film dénué d'artifice ? Voilà la question que semble s'être posé Trey Shults pour réaliser son film. Le tout tient effectivement sur un post-it : une maladie menace d'exterminer ce qu'il reste de la population. Pour encore réduire le champ des possibles, de cette population, nous n'en verrons que deux familles, et n'entendrons jamais parler du reste.


Le post-apo se prête effectivement bien à ce jeu. Même si en réalité, It Comes at Night apparaît plus comme un film apocalyptique qu'un film contant la suite de l'événement. Quelques images d'un tableau illustrant la fin du monde, et une porte, bien rouge pour appuyer son aspect primordial au scénario, séparant les personnages de leur fin.


À ma question introductive vient donc s'ajouter une problématique : comment réaliser un véritable film apocalyptique ? Si les Mad Max et autres Snowpiercer se plaisent à finir sur une touche d'espoir pour rester dans les carcans ayant fait leur preuve du bon artisanat filmique, avec un peu de recul, on ne peut qu'admettre que cet espoir est incompatible avec le genre dans lequel il prend place. Le fond et la forme du film se rejoignent déjà : un film sans artifice ne pourra être qu'apocalyptique, tant que ce dernier adjectif n'est pas mensonger.


Ce sentiment apocalyptique amené au spectateur passera par plusieurs procédés, mais principalement par l'absence de scènes d'exposition, qui si elle en aura frustré plus d'un dans la salle sombre dans laquelle je me trouvais ("J'ai l'impression le film il a jamais commencé frère !"), apportera son lot de questions sans réponses. Plutôt que la frustration, on gardera en tête le mystère et l'inconnu, seuls éléments communs aux personnages et au spectateur, et donc seul élément permettant une quelconque identification. Toujours dans le but de se séparer de tout élément non nécessaire, le film se débarrasse donc de son intrigue, pour ne garder que le mystère qui se chargera de garder le spectateur intéressé par le sort des personnages.


Cette identification, et cet intérêt du spectateur pour ses personnages, est primordiale. Sans elle, pas de sentiment apocalyptique pour le spectateur, et donc pas de film dénué d'artifice. Outre leur situation similaire lors du déroulement de l'oeuvre, ce qui aurait pu apparaître un peu pauvre, et surtout déjà vu, le réalisateur s'est vu ajouter ce personnage adolescent.
Ses caractéristiques le définissent aussi bien que le spectateur du film. Spectateur des événements, souvent impuissant, et dont l'imagination et les fantasmes sont les seules réponses que l'on aura des mystères entourant sa situation par ses cauchemars (reflétant même par certains aspects l'envie des spectateurs de voir des zombies, jump-scares ou autres scènes érotiques pour revenir en terrain connu de l'horreur). Il a de plus, par sa cachette au grenier, le même pouvoir omniscient de pouvoir écouter ce qui se dit un peu partout.


Par ce travail, le réalisateur effectuera son coup de maître. Car Shults, dans sa volonté de ne pas aller dans le sens du spectateur pour retirer à son film tout élément superflu, décide de façon très brutale de retirer à ses spectateurs le droit à un troisième acte, par la mort du "personnage méta" qu'est Travis. Ainsi, pas de guérison, pas de sauvetage in extremis, pas de climax final, pas de rédemption. Tout se termine suite au climax du second acte, qui voit généralement le personnage principal du récit se retrouver au fond du trou avant qu'il ne se reprenne. Mais cette fois-ci, seulement la mort. Celle d'un personnage, mais surtout celle du spectateur qui pourra enfin ressentir l'apocalypse de façon réelle au cinéma par cette fin prématurée, et ainsi qui fait l'expérience d'un film auquel on aura tout retiré, pour n'en garder que l'étrange saveur de la fin.

Mayeul-TheLink
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le 27 juin 2017

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