Au-delà de la polémique stérile liée à la personne de Polanski, ce film constitue une preuve que le talent se joue de la bêtise.
En nous donnant son approche de l’affaire Dreyfus, Polanski a su renouveler ce terrible moment de l’histoire de France qu’on croyait connaître.
Et, prouesse étonnante, il arrive à créer un rythme, à insuffler une énergie, alors même que les acteurs sont falots et ternes entre un Dujardin inexpressif derrière sa moustache et un Louis Garrel transparent n’arrivant même pas à inspirer de la pitié pour le personnage.
Choix pourtant judicieux car il a pour effet de mettre en exergue la tension liée à la recherche de la vérité et à la défense de l’idée de justice, un peu comme sur l'affiche où les personnages, au premier plan, attirent moins l'attention que ce qui se passe à l'arrière plan.
L’affaire Dreyfus est bien le moment de l’Histoire où une partie de la France a préféré laisser les bas instincts de l’antisémitisme prendre le dessus sur l’honneur.
Le film repose ainsi un MG Picquart qui, comme malgré lui, se trouve porté par l’idée de Justice, prêt à se sacrifier pour elle. Dans ce sens, le caractère commun de l’acteur peu convaincu et peu convaincant, comme opaque, met en lumière l’Idée. Un vrai tour de force ! De même, ce Dreyfus incarné aussi piteusement et platement, venant réclamer ses gages indus comme une ménagère se plaignant d’une erreur de la caissière, et qui pâlit durant le film au point de devenir inexistant, porte sur le devant de la scène l’idée d’injustice.
L’honneur de la France a aussi été porté par quelques intellectuels, comme Emile Zola dont l’importance du courageux « J’accuse » est si bien rendu dans le film. Condamné à la prison pour avoir dénoncé une injustice, nous savons maintenant qu’il est mort pour avoir porté cette cause (sa mort accidentelle au monoxyde de carbone ayant été causée par un ramoneur antidreyfusard, ce que la police a caché pendant longtemps).
Un très beau film, donc, qui peut faire réfléchir tous ceux qui font des concessions avec la vérité, comme cet Esterhazy cupide et médiocre dont l’image restera longtemps gravée dans ma mémoire : ayant voulu agresser son dénonciateur Picquart, il se retrouve à terre, vociférant sa haine, lui, le coupable, criant : « sale juif » devant des badauds passifs et peut-être interloqués de la situation inhabituelle : le « supposé juif » , très digne, s’éloignant de la misérable chose écumante de haine...