Après avoir complété la trilogie ouvrière de Kaurismaki (Ombres au paradis, Ariel, La fille aux allumettes), c’est peu dire que c’est sans grande conviction que j’abordais ce J’ai engagé un tueur. Je peinais à trouver cette grâce dans le dépouillement minimaliste que beaucoup évoquaient, cette fournée d'œuvres interchangeables lorgnant davantage à mes yeux du côté de l’Inspecteur Derrick que de Robert Bresson. Alors que le cinéaste semblait condamné à confondre ennui du personnage intradiégétique et celui du spectateur extradiégétique (à la manière de certains Sofia Coppola), le miracle s’est pourtant produit ici. Cela tient en grande partie à un humour pince-sans-rire bien plus affirmé et directement incarné par la mise en scène. On ne compte ainsi plus les situations absurdes ou le gag repose uniquement sur le travail de l’image ou du montage : un suicide raté révélé par un raccord elliptique, un panoramique filé qui singe l’omniprésence de la mort, l’emploi de couleurs saturées pour magnifier une princesse de conte qui contraste avec la morne grisaille ambiante. Par l’entremise de toute cette dimension railleuse mais humaniste, Kaurismaki parvient ainsi paradoxalement à nous rapprocher de ces personnages en perdition.