Ce qu’il y a de plus épatant dans J’ai tué ma mère, ce n’est pas tant le film en lui-même mais bien cette jeune pousse de 19 ans qui répond au nom de Xavier Dolan. Difficile en effet de soupçonner pareil potentiel chez un jeune homme à peine sorti de l’adolescence. Et pourtant, ce dernier nous propose un premier long-métrage dans lequel il n’est pas avare d’investissement en se plaçant à la fois devant et derrière la caméra. Tirant son inspiration et le sujet de son film de sa jeunesse personnelle, il nous dépeint cette relation amour-haine électrique entre une mère et son ado de fils. Une situation qu’il ne connaît que trop bien pour avoir écrit le scénario à seulement 16 ans alors qu’il est véritablement en plein âge ingrat et en proie à ces tourments de la vie. Il nous dépeint alors ce quotidien souvent tendu et fort en décibels à travers plusieurs tranches de sa vie, entre la maison, l’école, les copains… L’exagération est parfois de mise si bien que certaines scènes peuvent agacer et confère à l’ensemble une certaine inégalité. Mais le personnage veut cela aussi, il s’agit là de quelqu’un qui cherche à définir son style, sa marque de fabrique. Autobiographie ou journal intime, le jeune québécois n’a pas pour autant abandonné la structure de son œuvre, plutôt très travaillée, à un quelconque profit de l’authenticité de son récit. D’un point de vue mise en scène, l’essai est probant. Il n’hésite pas à varier les tons, les plans et à épuiser les différentes couleurs de sa palette à l’image de cette scène de peinture très arty entre lui et son ami intime. Au risque de se retrouver le cul entre deux chaises, Dolan tente énormément, expérimente plusieurs effets de style, se confie à son spectateur, introduit du noir et blanc, passe par les flashbacks, teste l’insertion de séquences en Super 8... En copie conforme de son personnage, il se cherche, sur le plan physique, celui des sentiments mais aussi sur le plan artistique, celui de l’homme derrière la caméra. Et bien souvent, il réussit à convaincre et on ne reniera pas sa direction d’acteurs, précise et efficace, et encore moins ses choix musicaux qui, à mon sens, sont le point fort du film. Pour le reste, on assiste sans conteste à l’éclosion d’un jeune réalisateur prometteur qui se cherche, se pose des questions, sur lui, le monde qui l’entoure, la différence, la sexualité… Ce dernier thème qui sera encore plus développé par la suite dans Les Amours Imaginaires et dans Laurence Anyways et qui semble être au cœur de ses préoccupations. J’ai tué ma mère, c’est le cheminement d’un adolescent désorienté, comme beaucoup d’autres, qui cherche la route pour devenir quelqu’un. Un adulte. Un portrait tantôt cruel et antipathique, tantôt bouleversant et poétique. Et même s’il n’est jamais parfait, s’il est assez inégal et parfois trop maniéré à l’image de son réalisateur et interprète principal, il s’agit d’un beau film et d’une belle promesse quand on a à peine 20 ans.
Vino
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le 3 mai 2014

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