Tel le beaujolais nouveau sur les pentes de la Croix Rousse, le Eastwood nouveau pointe son nez de façon à peu près régulière chaque année. Et comme le vin de table, chaque cuvée apporte son lot d'appréhension. Après deux crus plutôt fades, un Invictus bien pensant mais un peu faible dans la réalisation (sur les phases de rugby) et un Au delà décevant, l'éternel cow boy parviendra-t-il à redorer son blason?
Réponse : oui...et non. Sans vouloir jouer les normands, reconnaissons que le nouveau Eastwood, bien que largement meilleur que ses prédécesseurs, souffre de quelques lacunes, insuffisantes toutefois pour gâcher le plaisir du spectateur, mais que les esprits chagrins sauront mettre en avant.
Tout d'abord, d'un point de vue formel, on est bien là dans du très bon. Alternant des séquences longues avec des moments d'action au tempo plus enlevé et au rythme plus rapide, l'ami Clint parvient parfaitement à restituer une ambiance qu'il connait sur le bout des doigts, celle de l'Amérique des années 20 et 30, et qu'il s'amuse visiblement plus à mettre en scène que celle des années 60 dans laquelle se déroule une bonne moitié du film. Ce décalage, s'il ne gêne pas outre mesure, se fait quand même trop ressentir pour que l'on puisse passer outre. Notons également l'habituel Tom Stern, qui nous sert une nouvelle fois ses ambiances visuelles desaturées, utilisant avec maîtrise son jouet préféré, le clair obscur.
Le problème des biopics est toujours le même : parvenir à restituer fidèlement la vie d'un homme s'étirant sur plusieurs décennies sans tomber dans l'exposé sans saveur. C'est dans ce piège que se fourvoie (un peu) J. Edgar. Difficile de narrer la vie d'un homme aussi important que le directeur du FBI, qui a traversé les époques et côtoyé les présidents, sans tomber dans le cours d'histoire. En plaçant son récit à trois époques simultanément, Eastwood jongle un peu et perd le rythme, parfois, et cela se ressent surtout durant le dernier quart du film. De plus, le scénario n'apporte rien de neuf au personnage controversé, et les connaisseurs d'histoire US pourront râler que, décidément, à l'ouest, rien de nouveau...
Dernier critère indispensable à un bon biopic : un bon interprète. Pas de surprises, on retrouve un DiCaprio toujours aussi excellent, dans un rôle qui pourrait enfin lui apporter la statuette qu'il convoite. A ses côtés, traversant les époques avec une conviction égale, la belle Naomi Watts et l'excellent Armie Hammer font figure de seconds rôles de choc. Mention aussi pour Judi Dench, peu présente mais toujours magnétique dans le rôle de la mère de Hoover. Notons aussi, quand même, l'énorme travail fourni par le département maquillage, et qui parvient à rendre crédible les passages (nombreux) durant lesquels les personnages accusent le poids des ans.
Un très bon biopic, bien mené et passionnant, mais qui ne parvient pas à éviter quelques écueils inhérents au genre, et qui souffre peut être de quelques longueurs sur la fin. Un bon cru Eastwood, malgré tout...