Je n'avais jamais entendu parler de Jim Grant - qui sous le nom de plume de Lee Child est le créateur du personnage de 'Jack Reacher'. Le moins que l'on puisse dire est que le piètre film de Christopher McQuarrie ne me donne pas la moindre envie de me pencher sur les histoires tordues d'un M.P. issu de l'Armée américaine.
La surprise essentielle de ce spectacle navrant qu'a été la vision du film 'Jack Reacher' étant paradoxalement l'histoire grotesque et tortueuse, pour ne pas dire tordue. Fait d'autant plus surprenant que McQuarrie est essentiellement connu - du moins à mes yeux - comme le scénariste de 'The Usual Suspects', qui tire précisément son intérêt de la clarté d'un scénario complexe qui s'éclaire brusquement à la toute fin du film.
'Jack Reacher' est un long-métrage stupide dès le début... Le prédicat du film étant la recherche de la Vérité soi-disant dissimulée derrière une affaire de meurtre par fusil de précision résolue facilement. Or, cette enquête ne peut matériellement pas avoir été résolue en 16 heures, comme le révèle complaisamment l'un des principaux antagonistes du film, pour la simple et bonne raison qu'une étude balistique sérieuse prend au minimum quelques jours, et qu'il est impossible d'avoir déterminé en aussi peu de temps le point d'origine des tirs. Sans être un spécialiste des armes à feu, je peux l'assurer sans risque. En moins de dix minutes, la crédibilité de ce navet est donc mise à mal.
Que dire de la suite, pédantesque au possible... Conspiration miteuse de vieux survivant sibérien (décidément, la Guerre Froide reste tenace dans les esprits américains étriqués), explications vagues et décousues sur les motifs financiers de l'affaire, scène grotesque de doigts rongés et de mythe du 'rescapé' des camps de travail, implication jamais développée d'un pauvre flic minable... Poursuite en bagnole longue et chiante, mais chiante - d'autant que je doute du coefficient de résistance d'une carrosserie d'Audi contemporaine face à une Chevrolet Camaro S.S. du 'bon vieux temps'. Scènes de combat déplorables, notamment le 'final' au fusil d'assaut.
Non que je regarde un film avec un esprit scientifique et méticuleux en calculant les angles ou en potassant un manuel de mathématiques avancées... Mais la tendance actuelle au pseudo-réalisme m'incite à observer les films avec un oeil aiguisé et critique. Lorsque l'on se targue d'hyper-réalisme, encore faut-il s'y tenir. Et ce n'est clairement pas le cas dans cette suite ennuyeuse de scènes empilées sans queue ni tête, dont l'avocate bourrée de principes et de patriotisme (mais qui ne cille pas la moindre seconde lorsqu'on lui parle de dissimulation de crime de guerre, alors qu'elle n'ose même imaginer la possibilité d'une implication politico-judiciaire dans une affaire de détournement) est franchement mal interprétée par une Rosamund Pike qui fait office de potiche tout au long du film - pardon du navet. Tom Cruise, débarqué dans cette histoire vaseuse, fait son possible mais son personnage est tellement noyé de bons sentiments et de caricature simiesque de justicier américain héroïque et fondamentalement bon, qu'il peine à s'en sortir, ne parvient pas à le rendre crédible. Je passerai les lamentables seconds rôles, si archétypaux qu'ils font frémir (je doute qu'il s'agisse d'autre chose que de cinéma 'alimentaire' pour Werner Herzog), ainsi que la conclusion 'ouverte' - Jack Reacher supprime-t-il le méchant Zek russkof pour épargner à la charmante avocate la désillusion d'un paternel impliqué dans des affaires louches (?) - attention SUSPENSE !!!
Pour sauver néanmoins le film du naufrage total, je citerai la mise en scène astucieuse du début jouant sur l'alternance silence/bruit qui crée un climat pesant - dommage, il aurait pu y avoir une ambiance (!), ainsi que le 'punch' indéniable de la réalisation, qui se retrouve dans la scène de poursuite automobile - hélas, la torpeur s'empare du spectateur à mesure que cette scène bien amorcée se traîne lamentablement en longueur. Je n'oublierai pas de mentionner la magnifique bouche à pipe d'Alexia Fast, qui incarne avec conviction Sandy la pauv' fille.
Je me permets d'ajouter qu'ayant revu il y a peu l'admirable film de Sydney Pollack, 'Les Trois Jours du Condor', récemment, je l'ai trouvé infiniment plus juste et plus prenant que cette fadaise de 'Jack Reacher'. En dépit d'un rythme évidemment plus traînant et de scènes d'action beaucoup moins spectaculaires, sans effets grand-guignolesques, ce film qui traite d'un complot gouvernemental est beaucoup plus réaliste, plus fin et plus juste que ce pseudo-grand spectacle que l'on nous sert aujourd'hui. A méditer donc.
Bref, je vous déconseille d'aller voir Tom Cruise dans son dernier navet - il a tendance à les accumuler depuis quelques temps, espérons qu' 'Oblivion' mettra un terme à la série noire - mais j'en doute.
N.B.: pardon pour les nombreux spoils (...)