Le film est une évocation de l'enfance de Jacques Demy, alors le mari d'Agnès Varda, de 9 à 19 ans, jusqu'à sa vocation du cinéma, mais je pense que le projet n'en est que plus émouvant si on connait ses origines.
Alors qu'il ne pouvait plus travailler à cause de la maladie, Jacques Demy s'était consacré à la peinture, et à l'écriture de ses souvenirs d'enfance. Agnès Varda va vouloir faire un film sur cette jeunesse heureuse, accompagné de son époux, où ils vont retourner sur les lieux de son enfance, un garage sur Nantes. Demy va ainsi assister à la majorité du tournage, quand son état de santé le lui permettait, et il décèdera dix jours après la fin des prises de vues.
Le film est baigné d'une profonde mélancolie, avec ses moments plus tristes comme les bombardements durant la Guerre, mais globalement il règne une certaine joie de vivre, une enfance chérie. D'ailleurs, Agnès n'étant pas Varda pour rien, l'histoire a été agrémentée de sa propre voix off, et celle de Jacques Demy, mais ce dernier apparait de temps en temps à l'image pour parler de ses souvenirs, qu'on voit matérialisés à l'écran. Et plus beau encore, on voit plusieurs extraits de ses films, par exemple une scène issue de l'enfance qui renverra à Peau d'âne, où ce film magnifique qu'est Une chambre en ville. C'est aussi l'occasion de saluer la carrière de ce grand réalisateur, qui aura pris lui aussi bien des chemins de traverse pour accomplir ses rêves.
D'ailleurs, pour revenir sur Jacques Demy, Agnès Varda le filme souvent en très gros plan, ses cheveux, sa peau, ses yeux, son beau sourire, et ce très beau plan final où, assis sur la plage de Noirmoutier, il scrute l'horizon, et c'est belle idée de cinéma de figer pour la dernière fois cet homme, le plus chéri d'entre tous pour son épouse, et quelqu'un qui aura fait du bien au cinéma.
Les trois acteurs jouant Jacques Demy enfant sont vraiment touchants, tout comme ses parents. Quant à la réalisation, Varda a choisi de filmer en noir et blanc, avec quelques scènes en couleur comme par exemple le carnaval de Nantes ou celles où il passe des petits dessins animés sur son projecteur 9,5mm, des petits films qu'il dessinait lui-même, et dont on revoit certains extraits.
Le film s'arrête au moment où, poussé par le cinéaste Christian-Jacque, Demy va commencer des études dans le cinéma après avoir tourné le dos à la reprise du garage familial.
Jacquot de Nantes est un film à la fois léger et poignant, ne ressemblant à nul autre pareil, que je redoutais de voir pour tout dire, mais il faut toujours se méfier d'Agnès Varda, et en bien.
Après avoir vu l'ensemble de sa filmographie, je peux dire que c'est le plus réussi d'entre tous.