1h20 magnifiques sur 1h35 de film, ça devrait faire un film "presque parfait", non ? Eh bien non, parce que ces 15 dernières minutes "de trop" sont endémiques, caractéristiques du mal du cinéma actuel, français ou US, peu importe : il faut du "polar", de la violence, du suspense pour attirer le chaland, à tout prix. Alors Jolivet nous l'a promis, et nous le livre in extremis... ce qui lui a sans doute permis de trouver des financiers pour supporter son "Jamais de la Vie"... Et honnêtement, c'est assez pitoyable : simplificateur, peu crédible, inutile, frustrant. Et de toute manière, nous n'étions que 3 personnes dans la salle du multiplexe ce soir-là... Parlons plutôt des premières 80 minutes de "Jamais de la Vie", absolument formidables de justesse, de profondeur, de tension. Gourmet est immense - on en a l'habitude, mais cela ne fait pas de mal de le répéter, il est LE meilleur acteur francophone actuel, et de loin -, il est LE film à lui tout seul, crédible à 100% dans un rôle complexe d'homme vaincu par la vie, mais qui n'a pas tout à fait renoncé à ses illusions de "faire le bien" dans une société de plus en plus impitoyable. Mais tous les autres personnages sont passionnants, eux aussi, à l'exception - notable - des "méchants", caricaturaux et à peine esquissés (encore une fois le syndrome du polar bas de gamme, vite expédié). Et la mise en scène de Jolivet colle joliment à cette atmosphère pesante de survie résignée face à l'horreur économique, toute en sobriété, mais créant assez de béances (le parking de l'Intermarché, la nuit, cadre de notre quotidien, qui devient autre chose...) pour éviter la dépression "au premier degré" qui guettait un film sur un sujet aussi plombant. Alors, la prochaine fois, par pitié, pas de "thriller" !
[Critique écrite en 2015]