Franchement, je m'attendais pas à ce que j'ai vu. Dès le début, j'ai senti que j'avais eu tort d'être sceptique par rapport à ce film. On voit un supermarché, dans une nuit filmée comme le ferait Michael Mann, complètement nette, des plans longs qui s’attardent sur la poésie de cet environnement urbain déserté. Puis soudain, Olivier Gourmet, sans lunettes, écarte les bras. Le Christ est gardien de nuit dans un supermarché.
Et c'est dans cette ambiance que le film va rester, cherchant toujours à iconiser son héros, qui, sans ses lunettes, a franchement une gueule de dur à cuire, aux épaules larges, un peu à l'étroit dans son uniforme de vigile. Bref, quelqu'un d'impressionnant physiquement.
Alors forcément, transformer un veilleur de nuit en espèce d'inspecteur Harry moderne, c'était courir le risque de vraiment trop s'éloigner de la réalité, d'oublier le parti pris social du film. Surtout que chaque plan dispose d'une photographie léchée, mettant encore plus en valeur son acteur principal, au détriment peut-être d'une réalité plus laide qui s'oublie derrière le cinéma. Sauf que non, ici, le choix de l'icônisation permet d'éviter la pleurniche. On suit un gros bras qui se bat de toute ses forces et qui s'est battu toute sa vie, on ne va pas pleurer sur son sort, on va s'émouvoir plutôt devant cette vie toujours enfermée dans le brouillard grisâtre de la solitude et de la précarité, malgré tout ses efforts.
Surtout que le personnage n'est pas exempt de défauts, qui vont lui être rappelés plusieurs fois lors de dialogues avec son entourage, plutôt finement amenés, et qui vont permettre de le rapprocher de nous, de nous rappeler que ce héros nocturne, qui protège la femme dans la misère, est avant tout un homme. Constatation que le personnage de Gourmet n'a jamais pu accepter, préférant multiplier les filatures en solitaire, menant inévitablement le film vers un final, digne d'un vigilante movie, intense, dur, sans concession et surtout, très beau.
Gros coup de cœur pour ce film porté par un Olivier Gourmet en forme, qui, en assumant d'être du cinéma, est porteur de vérité sur le contexte social qu'il suggère finement.