- Dites-moi, la joie de détruire des missiles américains compense-t-elle la perte de vos mains ?
- Le sabotage des missiles n'est qu'une démonstration de notre force.
- Un tel mépris pour la vie humaine. Vous travaillez donc pour l'Est ?
- L'Est et l'Ouest se valent pour la sottise. J'appartiens au SPECTRE.
- Le SPECTRE ?
- Société Privée d'Etudes Combinant Terrorisme, Revanche, Extorsion. Tous les éléments de la puissance aux mains des plus grands cerveaux.
- Des cerveaux criminels.
- Tout criminel qui réussit prouve son intelligence.
Il était un début
James Bond, l'une des sagas filmiques les plus cultes et conséquentes de l'histoire du cinéma adapté des romans de Ian Fleming, aura à jamais changé et bousculer le système cinématographique hollywoodien en posant les péripéties d'un espion Anglais emblématique dont les frasques s'étendront sur plus de 20 films. Un concept incroyable que l'on doit au cinéaste Terence Young qui en réalisant cette adaptation n'aurait sans doute jamais imaginé déclencher une monstrueuse machine ayant connu de nombreux moments forts durant (au moment où j'écris cette critique) plus de 5 décennies, qui encore aujourd'hui tourne à plein régime. Une véritable institution ayant survécu au passage du temps en adaptant au fur et à mesure en fonction des époques le récit et les personnages : "un exploit cinématographique." Un exploit qui commence en 1962 avec James Bond 007 contre Dr No : le long-métrage qui aura tout déclenché. Bien qu'imparfait et un peu daté sur quelques éléments, Dr No reste une première entrée dans la franchise James Bond efficace, sachant que contrairement aux opus suivant il ne peut pas compter sur l'appui de ses suites, ni sur l'adhésion des fans, ni sur ses codes qui seront établis par la suite dans la durée, ni même sur un gros budget. En résumé, tout est encore à faire et pourtant James Bond contre Dr No parviendra habilement à tracer la voie pour la franchise "007".
James Bond 007 contre Dr No est un film expérimental qui pose les bases des futurs films par le biais d'un scénario authentique, influent, élégant, mystérieux, amusant mais aussi un peu rugueux et ringard. On retrouve l'agent 007 James Bond (Sean Connery), envoyé en Jamaïque afin d'enquêter sur la disparition d'un autre agent. Une fois sur place il mènera l'enquête et fera la rencontre d'Honey Ryder (Ursula Andress) mais aussi de Dr No (Joseph Wiseman), un génie diabolique qui veut détruire le programme spatial américain avec un décodeur soviétique. L'histoire fonctionne à merveille grace au mystère qui est tout du long savamment installé via une enquête habilement entretenue en suspens avec des enjeux élevés parvenant ainsi à combler les problèmes de rythme et le manque d'action. L'histoire dans son ensemble fonctionne bien avec cette intrigue qui innove dans sa narration avec une description plus subtile (toutes proportions gardées) sur le fonctionnement d'un agent de terrain qualifié envoyé sur le terrain à travers une enquête qui n'a pas beaucoup d'informations à lui fournir mais beaucoup d'ennemi pour le nuire. Cela permet des rebondissements plus subtil qu'à l'habitude avec des stratagèmes d'espion comme avec de bonnes scènes d'infiltrations, ou durant la sécurisation de la chambre d'hôtel où 007 colle un cheveu sur la porte du placard et pose du talc sur le verrou de sa mallette afin de s'assurer que personne n'est entrée fouiller dans sa chambre; ou encore dans sa démarche suspicieuse où il va jusqu'à ne pas boire une bouteille d'alcool de peur qu'elle soit empoisonnée, ou bien lorsqu'il se renseigne sur la voiture venue le prendre à l'aéroport.
Des petits détails qui font le charme de ce film mais qui vont au détriment de l'action pure. L'action bien que pas mauvaise est basique, aucune grande fusillade, ni de grosses explosions avec des effets incroyables, le tout dénué du moindre gadget propre à l'agent. Cela permet de mettre des séquences de confrontation plus réaliste et plus sobre qui n'empêcheront pas quelques moments emblématiques grace à un récit qui a la présence d'esprit d'aller continuellement de l'avant rendant le tout plus passionnant à suivre malgré le rythme décousu. Si le manque de budget peut se ressentir sur quelques costumes, l'ensemble des décors sont de bonne factures notamment autour du quartier général du Dr No situé sur une île. Par le biais de décors exotiques plutôt bien mis en scène, le repaire secret du Dr No prend efficacement vie. Le repaire maléfique dans toute sa splendeur. Malgré la bonne réalisation de Terence Young, on ne réchappe pas à certains éléments techniques et scénaristiques douteux qui aujourd'hui paraissent ringards mais qui sans doute dans les années 60 passaient bien mieux.
- J'admire votre courage, Mademoiselle...
- Trench... Sylvia Trench. Et, j'admire votre chance, Monsieur...
- Bond... James Bond.
Un exemple qui dans mon cas ne me dérange pas plus que cela mais qui pour beaucoup pose problème avec la séquence où les personnages redoutes un dragon qui n'est autre qu'un tank déguisé. Une approche qui au premier abord semble grotesque mais qui en recontextualisant l'époque et le lieu me paraît plus plausible. J'en veux pour exemple avec Tintin et l'Ile Noire, auquel ce film me fait beaucoup penser avec les villageois qui redoutent d'aller sur une île à cause d'une légende plus ou moins entretenue par le folklore urbain et par les antagonistes qui en faisant cela veulent tenir éloigné tous les curieux. Parlons de la composition musicale de John Barry et Monty Norman qui viennent offrir à l'agent 007 une véritable identité musicale reconnaissable ente mille. Une musique efficace que Terence Young utilise à bon escient et qui ne lâchera jamais l'agent britannique. Le thème officiel de James Bond fera augure de la première séquence d'ouverture musicale au film, collé par la chanson "Kingston Calypso : Three Blind Mice". Une ouverture musicale sympathique qui ne sera clairement pas la plus marquante de la franchise mais certainement la plus symbolique.
Sean Connery en tant que James Bond alias agent 007 est parfait. Le comédien offre une performance de haut niveau en instaurant une grande personnalité et beaucoup de charisme à son personnage qui pour sa première scène lors d'une partie de poker contre Sylvia Trench (Eunice Gayson) marque tout de suite les esprits avec une attitude, une mouvance et une apparence propre et insolite à l'espion. Un gentleman charmant séducteur mais aussi un assassin calculateur, dur et impitoyable avec une capacité à changer de visage d'une séquence à l'autre des plus impressionnantes. Je garde en tête sa confrontation contre le professeur Dent (Anthony Dawson) qu'il abat froidement alors que celui-ci ne représente plus du tout une menace. J'aurai beaucoup aimé voir l'enquête avant celle du Dr No qui n'existe pas en film mais auquel M (Bernard Lee) fait allusion durant une conversation avec Bond et qui aurait coûté à 007 6 mois de soin intensif à l'hôpital. La seule fois où l'agent est gravement blessé on ne nous le montre pas, c'est dommage. La comédienne Ursula Andress en tant qu'Honey Ryder peut compter sur une belle introduction sur la plage pour mettre ses formes généreuses en avant, passé cela je trouve ce personnage insipide. Malgré sa grande beauté ce personnage est inutile et terriblement cliché, malgré le respect qui lui est dû pour son rang d'icône en tant première Bond Girl.
Joseph Wiseman fait un travail phénoménal en tant que Dr No l'antagoniste principal. Le background et le mystère qui entoure ce personnage sont saisissant grace à l'approche du cinéaste qui va axer toute son intrigue sur l'identité secrète du Dr No, offrant ainsi une énorme contextualisation autour de ce personnage mystérieux par le biais d'une aura maléfique qui comblera la courte durée d'apparition de Joseph Wiseman. Une menace dans un premier temps fantomatique et mystique qui finalement deviendra une figure du mal fait de chair et d'os en tant que membre de la fameuse organisation "SPECTRE" auquel il fait allusion. Un premier adversaire de taille pour Bond qui trouve une scène d'introduction habilement réalisée avec l'ombre du Dr No qui dépasse d'une porte ouverte donnant sur la chambre dans laquelle Bond est endormi. Pour les seconds rôles on retiendra avant tout John Kitzmiller en tant que Quarrel que j'ai beaucoup apprécié pour son côté insulaire pittoresque croyant aux légendes funestes, Jack Lord pour l'agent américain de la CIA Felix Leiter, Marguerite LeWars pour Annabel Chung la veuve noire... Puis arrive les figures mythiques de l'univers bond avec Bernard Lee pour le fameux "M" que James appelle "Patron", ou encore Lois Maxwell sous les traits de l'unique Miss Moneypenny.
CONCLUSION :
James Bond 007 contre Dr No de Terence Young en tant que premier film James Bond offre une efficace première entrée dans l'impressionante franchise que compose la saga. Un premier Bond qui a plus ou moins bien vieilli et qui va dans une autre figure de style présenter l'agent 007 sous une forme moins codifiée et plutôt libre de mouvement n'ayant pas encore posé les codes qui feront le fondement de l'espion anglais, même si on trouve déjà certains ingrédients qui feront le succès du futur de la franchise. Une aventure chancelante sur son rythme mais bien mené dans son enquête (qui n'est pas sans rappeler sur certains points Tintin et l'Ile Noire) avec des actions limitées dans l'impact qui pourront heureusement compter sur de bonnes scènes d'infiltration et surtout sur un Sean Connery épatant dans le rôle de 007.
007 entre efficacement dans la place dans une première aventure qui à défaut d'être excellente reste savoureuse.
- Retirez votre veston. Donnez-moi cette arme. Toujours ce fichu Beretta. Je me tue à vous l'interdire. Expliquez-lui, major Boothroyd.
- Jolie et léger. C'est l'arme idéale pour les dames. Mais ça ne descend personne.
- Vous n'êtes pas d'accord, 007 ?
- J'ai un avis différent. En 10 ans d'usage, mon Beretta n'a jamais raté son homme.
- Sauf quand il s'est enrayé et vous a valu 6 mois d'hôpital. Un agent double zéro a le droit de tuer, non de se faire tuer. Depuis que je dirige le MI6, nos pertes en agents 00 ont baissé de 50 %. Je veux qu'il en reste ainsi. Vous porterez un Walther. Ou préférez-vous renoncer aux grandes missions ?
- Non patron, sans façon.
- Alors changez d'arme.
- Le Walther PPK est un 7,65 millimètres qui a une force prodigieuse. Le silencieux Brausch réduit à pein son impact. La CIA ne jure que par cela.
- Merci, major Boothroyd. Des questions, 007 ?
- Non, patron.
- Bonne chance.
- Merci, patron.
- 007...
- Patron ?
- Laissez-moi le Beretta.