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Rio, 1971, sous la dictature militaire. La grande maison face à la mer des Paiva (les parents et leurs cinq enfants) abrite un bonheur séduisant et communicatif.

Malgré le régime autoritaire voire terrifiant qui sévit, les contrôles arbitraires et la surveillance permanente, Eunice et Rubens ont réussi à installer chez eux un climat d'insouciance idéal pour des enfants et des ados. La porte est toujours ouverte aux amis de toutes générations, à la famille et même à un sac à puces sans collier qui divaguait sur la plage. Chez les Paiva, on danse, on chante, on discute, on envisage l'avenir des enfants. Il n'y a que la rue à traverser pour aller se baigner dans l'océan. Seule l'ombre d'un hélicoptère vient assombrir cette douce et joyeuse légèreté.

Après une première partie où les fêtes et la joie permanentes semblent être un pied de nez au gouvernement, la police militaire fait irruption dans la maison et arrête Rubens pour un soi-disant interrogatoire de routine. L'insouciance fait place à l'inquiétude puis à la peur. Rubens ne revient pas et aucune explication n'est donnée. La vie paisible et tranquille vole en éclats. Eunice doit faire face, protéger ses plus jeunes enfants, les rassurer tous.

Le réalisateur s'inspire du livre biographique écrit par Marcelo le seul fils de la famille Paiva Je suis toujours là mais également de son rapport personnel aux évènements puisqu'il était ami avec les enfants du couple à cette époque. Rubens est donc la première personne qu'il connaissait à disparaître. Un cataclysme pour l'entourage. Il prend le point de vue d'Eunice et suit à la trace son combat des décennies durant. Avec une force de caractère exceptionnel l'admirable actrice Fernanda Torres rend cette lutte incroyablement vibrante et bouleversante. Sans jamais abdiquer, elle fait front, ne flanche jamais avec une dignité et un courage hors du commun. Tout perdre, l'homme aimé, l'aisance financière (une femme ne peut toucher à l'argent en banque sans la signature du mari), la maison du bonheur et porter une fratrie de cinq enfant à bout de bras, reprendre des études à 45 ans pour devenir avocate et défendre les opprimés... tout est admirable chez cette femme jusque dans son maintien noble et digne. Eunice est une reine et Fernanda Torres également (Golden globe 2025 mille fois mérité de la meilleure actrice pour ce rôle).

Walter Salles ne joue ni avec nos nerfs, ni avec nos émotions. Les exactions et tortures physiques restent hors champ. Eunice fera également l'objet d'une arrestation avec une de ses filles. Lors de son passage de plusieurs jours dans les geôles, ce sont les tortures psychologiques, les humiliations et le chantage à l'usure qui sont décrits.

Même si l'ombre du père absent plane sur la famille entière, je pense que le Je suis toujours là du titre représente aussi Eunice, la femme, la mère intérieurement détruite mais constamment digne, calme, sereine, douce, indestructible. Cette actrice et ce film profondément humains sont admirables pour décrire l'abjection d'un régime innommable qui laisse comme seule raison d'espérer et de sourire à nouveau, rien que l'idée d'obtenir un certificat de décès.

Glaçant et essentiel il me semble, le film est aussi incroyablement beau, avec une bande son magnifique (dont une chanson française gainsbourienne) et un casting impeccable.

3 millions de brésiliens ont fait un triomphe à ce film.

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