D'après la postface de Bertrand Tavernier pour le roman Les fugitifs de l'Alder Gulch, Je suis un aventurier propose de troublantes similitudes avec l'excellent livre d'Ernest Haycox. Et il est vrai que les points communs vont jusqu'au nom de certains personnages. On pourrait ajouter que la scène où les premiers occupants du camp de chercheurs d'or parlent d'installer une école, une église, et ce genre de choses, pour que leur camp devienne une vraie ville, fait écho aux préoccupations d'Haycox et à une discussion similaire dans Les colons, sont "grand-œuvre".
Je suis un aventurier est l'une des coopérations entre Anthony Mann et James Stewart, coopération qui a donné de très beaux westerns, dont celui-ci n'est pas le plus célèbre, mais vaut néanmoins le détour. On y suit donc les déboires de James Stewart, solitaire endurci et recherché pour meurtre, accompagné du débonnaire Walter Brennan. Comme dans le roman de Haycox, et même si le déroulé est bien différent, tout commence sur un bateau, avec son capitaine patibulaire. Mais c'est une fois que James Stewart débarque que les ennuis commencent, sous la forme de démêlés avec celui qui représente la justice locale, un shérif véreux campé avec bonheur par un John McIntire qui s'amuse manifestement bien.
The far country, dans son nom original plus parlant, nous montre une terre sans loi, où tous les espoirs (mais aussi toutes les bassesses), sont permis. Le crime y demeure le plus souvent impuni car y règne en maître la loi du plus fort. Sans surprise, James Stewart, individualiste forcené habile de la gâchette y trouve son compte, mais il évoluera. Cet aspect est certainement le moins réussi du film, quoiqu'il offre une très belle scène avec un shérif nouvellement établi. Les paroles de James Stewart sont trop caricaturales pour réellement convaincre. Disons qu'on voit où l'intrigue veut nous amener. Mais cela est rattrapé par une belle densité dans les seconds rôles.
Je suis un aventurier est un western spectaculaire et de qualité, qui mérite d'être découvert (ou redécouvert), comme d'ailleurs toutes les coopérations Mann/Stewart. Personnages au caractère bien trempé, fusillades, catastrophes naturelles, tout s'enchaîne pour le plus grand plaisir du spectateur.