5 ans après son très bon «Pupille», Jeanne Herry récidive avec ce «Je verrai toujours vos visages», installant, plus que jamais, la choralité au centre de son récit. Et nous gratifiant une nouvelle fois d'une œuvre qui nous touche droit au cœur.
Traitant frontalement des dispositifs de "justice restaurative" (instaurée en France depuis 2014, et dont je ne connaissais absolument rien jusque-là), l'auteure-réalisatrice prend d'abord le temps de nous expliquer, avec pédagogie et bienveillance, son encadrement et ses rouages, avant de nous plonger à la fois dans cette rencontre entre détenus et victimes de vols avec agression, tout en dressant parallèlement à cela l'accompagnement d'une jeune femme victime de viol à répétitions par son frère, et cherchant à avoir des réponses à l'inacceptable.
Mais ce qui compte ici, bien au-delà de la confrontation, c'est la parole et l'écoute. Comment mettre en mots ce que l'on ressent, que ce soit la colère, l'incompréhension, les regrets, et comment l'autre le reçoit.
Chercher à construire un dialogue avec l'autre camp pour leur faire savoir à quel point leurs actions ont des conséquences, comment un de leurs gestes peut marquer durablement leurs victimes. Et qu'en face, on ne se trouve pas d'excuses, mais que l'on assume ce que l'on a fait, qu'on se sente autant conscient que responsable de cela.
Et cela, Jeanne Herry le restitue impeccablement, filmant les deux groupes à la même hauteur et posant ainsi le même regard sur chacun d'entre eux.
Car chaque histoire, chaque parcours, chaque parole est différente et mérite la même attention.
L'échange est primordial nous dit le film, pour comprendre, pour avancer, pour essayer de panser ses plaies/éviter la récidive, et cela il l'aborde toujours avec énormément de justesse, et dénuée de tout jugement.
Entourée d'un casting exemplaire (pas une fausse note à ce niveau-là) pour incarner chacune de ces paroles, Herry filme les visages et les regards, le doute comme le soutien. Et nous démontre la nécessité de ces dispositifs, cherchant à favoriser la réparation de ces vies brisées.
Ode à la communication et à la résilience, «Je verrai toujours vos visages» est une grande œuvre chorale et humaine, dure et bouleversante, sans fioritures et à l'aspect presque documentaire.
Et une chose est sûre : ces visages et ces mots, on n'est pas près de les oublier. 8,5/10.