Je ne pleure quasiment jamais au cinéma. Lors de la deuxième heure, j'ai craqué, trois fois. Ce film m'a emporté immédiatement, ne m'a plus lâché, m'a profondément touché.
Ce 10 est personnel. « Je verrai toujours vos visages » le mérite par sa direction d'acteur, sans doute pas pour sa réalisation et sa mise en scène, bien qu'excellente dans son minimalisme. Mais aucun film ne m'a pour le moment autant bouleversé cette année, pas même ce choc qu'a été « The Whale ».
À travers le sujet de la Justice Restaurative, le métrage se penche sur des problématiques générales et complexes, celles du sens de la justice, du rapport à la responsabilité, de la culpabilité, de l'enfer carcéral, des traumatismes, de la santé mentale, de la récidive, du pardon, de la réhabilitation, des rapports humains. Et il prend aussi le temps de s'arrêter sur la plus sensible émotion, sur ce léger mouvement de sourcil, celui qui sépare l'individu pris dans son rôle social, et l'être sensible et emphatique.
Il donne des réponses positives sur la capacité du dialogue sincère et du partage émotionnel à soigner les plaies les plus profondes, à reconstruire les esprits cassés, à trouver des solutions à des problèmes jugés insolubles. La réponse à l'isolement, à la peine et la violence se nomme l'empathie et le collectif sensible, bref, et c'est un peu bête dit comme ça, la possibilité de l'amour universel. Il s'agit ici d'un vrai film de chrétien de gauche, dans ce que la morale franciscaine a de meilleur, de plus réparateur. Ce que le splendide monologue de fin ne fait que confirmer.
J'ai évoqué rapidement l'acting, je veux rendre un hommage appuyé à la performance tout simplement hallucinante de justesse de Miou-Miou. Elle m'a fait pleurer deux fois. La première surtout : lors de la scène où elle fend définitivement l'armure pour exposer sa culpabilité et son traumatisme, dans un monologue tout aussi beau que triste, avant d'être rattrapée par tous les autres, le formidable Birane Ba en tête, cette scène-là, d'une incroyable tendresse, est à montrer dans toutes les écoles de comédie du monde. Mention spéciale à Dali Benssalah, d'un réalisme fou, et dont l'évolution du personnage résume le message du film. Adèle Exarchopoulos, Élodie Bouchez et Leila Bekhti sont franchement exceptionnelles, dans ce qui sont, à mon sens, les plus beaux rôles de leurs carrières. Tout le reste du casting est à la hauteur, et fait rare, j'ai apprécié le jeu de Gilles Lellouche.
Pour résumer : une réussite cinématographie, rythmique et scénaristique, un film sensible, sincère, optimiste mais pas naïf, utile aussi. On peut espérer voir la Justice Restaurative se faire connaître et se développer dans les années à venir. Même si ça prend du temps, même si c'est incertain, ce film me fait dire que ça vaut le coup.