Toujours aux prises directes avec le réel, la caméra est activée comme un prolongement de la vie. Elle est placée en seul témoin de l’action et donne accès à des vérités sur le quotidien banal de Jeanne que seul l’apparent manque de mise en scène peut transposer avec cette poésie déroutante. Car si le plus grand génie est aussi celui que l’on ne voit pas alors Akerman, par ses plans-séquences interminables nous montrant des faits a priori inintéressants arrive tout de même à imposer son parti pris cinématographique au spectateur. Parti pris visant à la fois à tout montrer et tout suggérer sans intervenir sur le processus de création. La caméra tourne sans être interrompu et laisse le réel s’imposer au médium. L’ennui de Jeanne est montré de manière ennuyeuse pour mieux saisir l’enjeu de chaque répétition propre à sa vie autonome et indépendante d’esprit. Des plans fixes et larges, un cadrage audacieux qui n’a pas peur de laisser bord cadre ou hors cadre son personnage principal, et à travers lesquels les allers et venus fantomatique de cette jeune femme sont vus comme la métaphore du passage éphémère de l’homme dans le réel. Un film exigeant par sa simplicité et ses absences de rebondissements qui fait réfléchir sur la condition humaine plus que féminine en proposant un procédé créatif avec lequel le spectateur n’est pas - pour son plus grand bonheur – familier.