Mouchette est une adolescente solitaire et marginale venant d’une famille pauvre qui vit à la campagne et dont la mère est malade. Elle la soigne, s’occupe de son petit frère encore nourrisson et va à l’école, mais sans plaisir car elle est rejetée par ses camarades et humiliée par son institutrice.
Le récit mis en scène avec une apparente grande simplicité procure par le non-jeu des personnages si chers à Bresson un sentiment profond de réalité. La psychologie de la jeune fille transparaît d’avantage de son intériorité pour laisser place à la gestuelle et l’action, qui la conduisent d’emblée à son dénouement tragique. Bresson s’attarde sur les mains, symbole du moyen de l’action et qui petit à petit font avancer le récit. Celles meurtrières filmées en gros plan du chasseur Arsène au début lorsqu’il chasse et pose des pièges, dans lequel d’ailleurs, la colombe qui est prise n’est autre qu’une manière métaphorique d’annoncer l’emprisonnement de Mouchette dans la cruauté d’une vie qui sera sienne. Et dans cette lignée en insistant sans surligner avec la même intensité et profondeur, plan rapproché après plan rapproché, Bresson dégage subtilement les expressions intimes de Mouchette et tous les maux qui l’animent. Malgré cette proximité de la caméra le cinéaste de se place jamais en pornographe tragique mais plutôt en témoin. En témoin immersif mais toujours à distance suffisante afin de rendre à Mouchette l’envergure de son tempérament inaccessible et imprévisible. Cette mise à distance du personnage tout en étant dans le même temps au plus proche de ses ressentis ne sont ni plus ni moins que la marque d’un grand. Un cinéaste indescriptible, un monstre sacré, qui crée depuis Le journal d’un curé de campagne une œuvre qui n’a d’égal dans le monde et dans le temps, une œuvre tout droit sorti de l’esprit d’un génie sans limite.
Robert tu m’as ouvert les yeux et l’esprit, je t’aime !