On pourra pérorer longtemps sur l'anti-féminisme revendiqué de Maïwenn qui colore forcément l'approche qu'on a de chacun de ses films.
Sur le fait qu'elle s'attribue ainsi, à presque 50 ans, le rôle d'une toute jeune courtisane, incarnation absolue du désir et du scandale, dans un mouvement d'auto-flagornerie et d'auto-défense qui rappelle, à quelques égards, la malsaine démarche de Polanski lorsqu'il tournait J'accuse.
Ou encore sur la résurrection provocatrice au rang de roi d'un Johnny Depp empêtré dans de sombres histoires judiciaires de violences conjugales qui ont fait de lui le symbole récent de la masculinité toxique et intouchable.
Ces sujets ne concernent en soi pas le film bien qu'ils méritent d'être au moins évoqués tant ils entâchent a priori l'image du film.
On pourra plutôt questionner ce qui a motivé Maïwenn à réaliser un film à costumes, à se plier à ces codes surécrits, loin du réalisme moderne et improvisé de ses précédentes œuvres et qui firent son succès.
Questionner encore son étrange fascination-répulsion pour l'univers de la royauté dont elle admire le faste mais dont elle moque allègrement les codes, dans des pulsions faussement punk qui rappellent parfois (la comparaison est facile) le Marie-Antoinette de Sofia Coppola.
Questionner enfin le regard que porte (rien de nouveau) Maïwenn sur les hommes puissants et dominateurs (pour ne pas dire violents) qu'elle célèbre en leur donnant sans cesse le rôle suprême, quand les femmes sont elles souvent réduites à leur mesquinerie ou leur seule liberté, charmeuses d'hommes volages et sexuellement manipulatrices.
On devra surtout critiquer le casting quasi unanimement moyen du film. Rares sont ceux qui y échappent, Johnny Depp le premier, embêté par une langue nouvelle avec laquelle il bataille, et dont les répliques ont pour se faire été réduites à peau de chagrin, provoquant un réel sentiment de vide et d'arythmie. La direction d'acteur y est pour beaucoup, Maïwenn prenant le parti de rejouer une lutte des classes (dont la morale est plus que discutable tant elle convoque des relans contemporains mal placés) en alternant avec déséquilibre entre une diction aux tonalités contemporaines et un respect théâtral des belles lettres châtiées de l'époque (sur ce point Benjamin Lavernhe est loin d'être un choix de comédien hasardeux).
Critiquer aussi les effets de style pompiers qui tentent de masquer le manque d'inspiration de la mise en scène et les longueurs poussives du récit.
Critiquer enfin, et peut-être surtout, le côté finalement caprice de star de cet ensemble à 20 millions d'euros de budget qui ressemble au mieux à un téléfilm très prétentieux.
Loin du film provocateur (et nième pseudo-scandale cannois), Jeanne Du Barry est tout simplement un film profondément classique, donc anecdotique et insipide, qui ne marquera que ceux qui souhaiteront le retenir.
Ce ne sera probablement pas le cas de l'histoire du Cinéma.