J'essaye d'ouvrir mon esprit au maximum. Ce qui fait que j'ai accepté souvent de me laisser emporter par le cinéma de Dumont. Cinéaste qui n'hésite à amener le spectateur dans des tréfonds de délire, faisant tout pour perturber, tout pour pousser à sortir de sa zone de confort. Et je ne regrette nullement cette acceptation. Au contraire, en faisant cela, j'ai eu des expériences de septième art aussi fortes qu'inédites.
Mais j'ai mes limites. Ce qui fait que mon sens critique me dit que Jeannette, l'enfance de Jeanne d'Arc est une purge.
Pourtant, la base était parfaite pour une œuvre de Dumont, à savoir Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc de Charles Péguy (il y a aussi une première version datant de 1897 de ce mystère, du même auteur, mais étant donné que je ne l'ai pas lue, je n'en parlerai pas !). En effet, dans ce livre, on a une future Pucelle d'Orléans qui veut assumer la tâche impossible de porter toute seule les malheurs du monde (au passage, la toile de fond de Domrémy et de la Meuse est ici remplacée par celle de la Côte d'Opale, si chère au metteur en scène d'Hors Satan !). Ce n'est pas sans rappeler notamment le protagoniste de L'Humanité. C'est vraiment une des grandes thématiques du réalisateur.
Mais, voilà, pour moi, c'est quand même une purge. Et pourquoi, c'est une purge pour moi ? Ben, je vous l'explique tout de suite.
Déjà, l'interprétation est atroce. On voit bien que les "actrices" et "acteurs" ne comprennent pas un traître mot du texte qu'ils ânonnent (à un point que des sous-titres ne seraient pas de trop !) et qu'ils ne s'investissent pas du tout au-delà d'apprendre leurs lignes par cœur.
Ensuite, je n'ai rien contre le fait d'aller à fond dans l'anachronisme avec une BO composée de morceaux de métal. Allons-y dans la comédie musicale anachronique.
Mais comme si jouer faux ne suffisait pas, les "comédiennes" et "comédiens" chantent d'une façon tout aussi immonde. Et aurais-je la bienveillance de ne pas évoquer les "chorégraphies" d'une platitude flamboyante, consistant principalement à secouer sa tête (ainsi que sa chevelure !) de haut en bas, de bas en haut, de gauche à droite, de droite à gauche, exécutées avec une maladresse de tous les instants.
Et qui dit "comédie musicale" dit spécifiquement grand travail aussi dans la mise en scène, dans le choix des cadres, dans le montage, etc. Enfin ce qu'il faut dans le genre pour être dynamique et percutant. Pour Dumont non, il se contente de laisser sa distribution s’embarrasser en ne branlant presque que dalle à ce niveau-là.
Et ce n'est que ça pendant 107 putains d'interminables minutes. Pour tout avouer, dans le but de me maintenir éveillé tout du long, je me suis même amusé à compter le nombre de moutons dans tous les plans dans lesquels ils apparaissent (oui, ça ne manque pas d'ironie !). J'ajoute que je n'ai pas pu m'empêcher de rire nerveusement dès qu'un d'entre eux se mettait à bêler.
Et le "meilleur" est pour la fin avec le départ à cheval, pendant lequel celui qui "joue" l'oncle essaye de monter sur l'arrière de l'animal, les pieds dans un ruisseau (je ne suis pas un grand spécialiste en équitation, mais il ne serait plus intelligent de grimper sur le dos d'une mouture à partir d'un sol ferme et le moins humide possible ?), chute dans la flotte sous le regard de celle qui soi-disant incarne Jeanne. Pas difficile de voir à ce moment-là que cette dernière a sérieusement du mal à retenir de se marrer. Cette conclusion synthétise à la perfection la grosse bouse qu'est l'ensemble.
Ouais, bon, que cela ne vous décourage pas (pour ceux et celles qui, comme moi, ont trouvé ce visionnage absolument insupportable !) de lire Péguy. Ce serait dommage de passer à côté d'un bel ouvrage littéraire, d'une simplicité apparente servant admirablement une grande profondeur, à cause de cette aberration cinématographique. Bref, lisez Péguy.