Le film repose sur un paradoxe : la recherche de la vérité alors que le film ne fait qu'exposer le point de vue d'Oliver Stone sur l'affaire Kennedy. En effet, le réalisateur ne s'appuie que sur une seule thèse, celle du procureur Jim Garisson, en 1967. Ce qui, en matière d'objectivité, pose déjà problème. Ceci étant, nous aurions pu nous attendre à ce qu'Oliver Stone adopte un point de vue nuancé sur son personnage et sa thèse. Apparemment, ce n'est pas le souhait du réalisateur qui se contente d'épouser la thèse de Garisson. Le film aurait pu s'intituler "JFK, l'assassinat selon Jim Garisson".
Pour donner corps à cette thèse et la faire accéder au rang de vérité historique, Oliver Stone utilise un procédé assez peu honnête: il engage Kevin Costner dans le rôle du procureur. En effet, un acteur porte ses rôles précédents, et le public en a parfaitement conscience. Costner incarne l'Américain foncièrement honnête. Il a incarné l'incorruptible Eliot Ness. En tant que réalisateur, il s'est engage pour réhabiliter les Indiens d'Amérique et leur redonner une place dans l'Histoire américaine. Les deux aspects de Costner (du moins son image publique) ne peuvent que plaire à Oliver Stone. C'est un moyen cinématographique classique mais efficace d'emporter l'adhésion du public. D'où l'idée qui pointe dans l'esprit du spectateur : ce Garisson est aussi un incorruptible, un chevalier blanc voulant rétablir la vérité historique.
Bref, sur ce plan-là, la démonstration d'Oliver Stone tombe à l'eau. Si le film ne nous apprendra rien sur l'assassinat de Kennedy, en revanche, il nous apprend beaucoup sur les préoccupations du cinéma d'Oliver Stone. Depuis "Né un 4 juillet", en passant par "Entre ciel et terre", il nous livre sa vision de l'Amérique. Il est notamment passionné par ces gens que l'on veut faire absolument sortir de l'histoire, que l'on refoule, que l'on veut oublier, mais qui se rappelle à l'Amérique et à sa mauvaise conscience. Finalement, le cinéma de Stone est un cinéma sur la mauvaise conscience de l'Amérique. Il nous livre son point de vue d'artiste.
Sur le plan de la construction dramatique, le film est d'une facture classique. Il épouse les codes du classicisme : drame bourgeois en alternance avec le drame historique. Le couple Garisson bat de l'aile, en raison des obsessions de Monsieur. Finalement, il sortira victorieux, lorsque son épouse découvrira que son mari est bel et bien un prophète : il avait prédit l'assassinat de Bobby Kennedy, celui-ci a eu lieu. Un film classique aussi puisqu'il s'inscrit dans la lignée des films à procès (Procès Paradine, Douze hommes en colère, Le verdict, Autopsie d'un meurtre...). Astucieux puisque ce genre de films postule la recherche et le triomphe de la vérité. Ainsi, le choix du genre "film à procès" est censé participer à rendre crédible et véridique la version de Garisson. Néanmoins, l'artifice cinématographique ne peut pas faire office d'argument ou de preuve...
Finalement, "JFK" doit beaucoup aux "Incorruptibles" de Brian de Palma : mettre fin au mal qui ronge l'Amérique, le drame bourgeois, le procès final (puisque Clay Shaw est renvoyé lui aussi devant un tribunal).
En conclusion, un film pas désagréable, intéressant pour celles et ceux qui ont envie de découvrir les thèmes chers à Oliver Stone, mais un film tout de même agaçant en raison de son manque d'honnêteté intellectuelle.