Depuis le début de sa carrière, Oliver Stone n'a de cesse de décortiquer l'Histoire américaine et les rouages de sa société. Après la guerre du Vietnam et les rois de la finance, il s'attarde sur l'assassinat du tristement célèbre président des États-Unis, John F. Kennedy. Mais au lieu d'aborder le sujet avec des pincettes, ce qui aurait été (trop) sage, le film en propose un décryptage très subjectif puisque s'appuyant sur l'enquête du procureur Jim Garrison.
D'emblée, soyons clairs : JFK est un film de fiction, pas un documentaire. Certains personnages ont été inventés (bien qu'inspirés de personnes réelles) et le contenu a été romancé. Cependant la richesse incroyable de son scénario est le résultat d'un travail de documentation impressionnant qui a nécessité des années de recherches et la lecture de plus de 200 ouvrages, celui de Garrison en tête. Et le résultat se ressent à l'écran. Quant à la "théorie du complot" du procureur de la Nouvelle Orléans, si elle a souvent été qualifiée de sensationnelle (voire scandaleuse), force est d'avouer qu'elle possède des arguments suffisamment solides pour avoir mené à un procès en 1969.
Passée la question de la légitimité ou non d'une telle entreprise, le film est une vraie réussite. Pendant plus de trois heures, nous assistons à une enquête passionnante. De fil en aiguille, Stone/Garisson commence par nous montrer les faiblesses des conclusions de l'enquête officielle et nous propose une autre hypothèse, forcément sujette à controverse. Le travail de recherche se ressent également dans la direction artistique. Le film est ainsi ponctué de passages saisissants de réalisme comme la reconstitution du fameux 22 novembre 1963 ou celles du bureau ovale et de la salle d'autopsie de JFK. En résulte une immersion totale au cœur de l'Histoire, soutenue par l'ajout d'images d'archives (le célèbre film amateur de Zapruder).
Côté interprétation, Kevin Costner prouve que le succès qu'il a rencontré dans les années 80/90 ne se limite pas à son brushing. Il livre ici une performance impeccable, campant un personnage à la frontière entre idéalisme et paranoïa. Tommy Lee Jones (Clay Shaw) et Gary Oldman (Lee Harvey Oswald) ne sont pas en reste et délivrent des prestations toute en finesse, s'effaçant complètement derrière leurs personnages. D'un point de vue purement esthétique, le film s'appuie sur une photographie particulièrement soignée ainsi qu'un montage dynamique ponctué de nombreux flashbacks.
Passionnant de bout en bout, le film s'inscrit dans la lignée des grands thrillers politiques aux côtés des Hommes du Président (le personnage de X rappelle bien entendu Deepthroat). Oliver Stone considère ce film comme étant son Parrain. A défaut de le comparer au chef-d'œuvre de Coppola, JFK se classe sans problème parmi les meilleures œuvres de son auteur.