1991, Oliver Stone sort le film JFK. Biopic, thriller, film d'enquête, il réalise un monument du cinéma et 30 ans plus tard, Stone veut remettre une couche sur l'assassinat qui a bouleversé le monde avec son nouveau film, JFK L'Enquête.
Si Bertrand Tavernier a cherché tout au long de sa carrière à nous faire découvrir le cinéma français, on pourrait penser que le réalisateur Oliver Stone semble vouloir transmettre ses pensées sur JFK. En effet, 30 ans après avoir réuni un casting dingue (Costner, Oldman, Pesci, Tommy L. Jones, Bacon et tant d’autres), le new-yorkais revient critiquer violemment le système américain, autour de l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy, 35ème président des États-Unis d'Amérique.
Revenons rapidement sur le film originel :
Une enquête haletante de 3h26 dans sa version director’s cut, un Kevin Costner au sommet narrant un monologue absolument culte, quasiment au même rang que celui de Chaplin dans Le Dictateur, mais surtout une leçon de montage totale. En effet, si JFK est une si grande réussite c'est surtout de par son montage, ses personnages gravitant autour du procureur Garrison, lui-même gravitant autour de ces centaines de documents, de vidéos et de questions cherchant une réponse, puisque comme le dit le personnage de Sutherland, on ne cherche pas comment ou qui, mais pourquoi cet assassinat a eu lieu.
JFK, s'il est cette œuvre si dense, est avant tout un immense pamphlet contre le gouvernement américain. Vivement critiqué à sa sortie, notamment pour avoir inventer des faits pour son récit (Stone annota son scénario justifiant tous ses choix), il est pourtant considéré aujourd'hui comme un film culte et a surtout eu un impact titanesque sur la société américaine. En effet, polémiques et critiques se succédant, autour d'un sujet aussi épineux, amènent finalement le film face aux membres du Congrès. Ce que le film critique par-dessus tout, c'est la commission Warren, chargée d'enquêter sur l'assassinat et rendant un rapport incriminant Lee Harvey Oswald comme tueur fou et solitaire, conclusion qui sera de nombreuses fois remis en cause.
Le Congrès doit bien l’admettre, ne pas divulguer les données de l’enquête était une erreur. Ainsi, en 1992, l’ARRB (Assassination Records Review Board) se doit de rassembler les données de l’enquête pour les rendre disponibles 25 ans plus tard, en 2017.
Et c’est ainsi que commence JFK L’Enquête ou JFK Revisited : Through the Looking Glass comme vous voulez, par la mise à disposition de 60 000 documents déclassifiés. Les premières images du long-métrage montre Oliver Stone, retournant sur les lieux de ce terrible assassinat, lui, ayant réalisé un film qui bouleversera à jamais le monde. Grâce à lui (et bien sûr tous les gens ayant participés à la création du film), en cette année 2017, chacun a à disposition d'importantes ressources pour chercher par soi-même ce qu’il s’est réellement passé ce 22 novembre 1963. Stone, se déplace sur le Dealey Plaza, près d’Elm Street, où l’on voit le "Texas School Book Depository". Va-t-on enfin pouvoir découvrir avec certitudes la vérité sur cet évènement tragique, 54 ans après.
Si le documentaire est assez classique dans sa forme, Stone échangeant avec des professeurs, des journalistes ou bien avec le fils de Bob Kennedy, c’est bien son fond qui va nous emporter. Dans la continuité du film de 1991, on nous expose cet assassinat toutes ses incohérences et toutes ses coïncidences qui, si l’on y réfléchit bien, sont trop nombreuses pour ne pas être relevés et remis en question et pourtant, c’est bien ce que nous avons fait. Nous ne suivons plus les mémoires de Jim Garrison, mais bien les réels comptes-rendus, les réels appels passés, les vraies balles utilisées, les vraies photos de l’autopsie de Kennedy, enfin… ce que certaines personnes auraient bien voulus faire passer pour vrai…
Bien sûr, ce documentaire est une suite directe à JFK, approfondissant certains points soulevés dans le film, comme le parcours de Lee H. Oswald. Il apporte cependant bien plus d’éléments, des éléments que Garrison lui-même ne devait pas connaître à l’époque. Oliver Stone ne l’a pas caché en présentant le film, c’est un fervent défenseur de Kennedy et ne se limite donc pas qu’à son assassinat dans ce nouveau documentaire. Il nous parle aussi de tout le mandat du président, de ce qu’il comptait faire avec les Etats-Unis, et là encore, Stone ne se gène pas pour parler en mal des institutions comme la CIA et peut-être que ce parti pris pro Kennedy en gênera, personnellement ce ne fut pas mon cas.
Le film est dense grandiose, spectaculaire. Peut-être est-ce son défaut. Cumulant de nombreuses preuves et de nombreux documents, il est parfois difficile de suivre parfaitement toute l’enquête. Il y a trop d’acteurs impliqués, la CIA, Lyndon Johnson, de nombreux gouverneurs comme Earl Warren, le film est grand. Mais si l’on sentait déjà avec JFK que l’ampleur de sa mort était immense, elle prend une tout autre dimension dans le documentaire. On ne reste pas cantonné aux USA, nous partons aussi au Congo, en URSS ou en Egypte. On nous parle de toutes les conséquences qu’il y a eu au Vietnam ou encore à Cuba. On voit des images de de Gaulle de Khrouchtchev, de Nasser ou de Luther King. Ce meurtre fut mondial, personne ne vécut de la même manière après le 22 novembre 1963.
Porté par les voix de Donald Sutherland et Whoopi Goldberg, si JFK L’Enquête est une suite directe du film de 1991, il peut tout de même se regarder sans avoir rien vu de JFK, même si on perd sûrement un peu du grandiose que la deuxième partie de ce diptyque peut apporter. Là où le premier était un film de fiction avec certains aspects documentaires (comme son introduction, ou la projection du film d’Abraham Zapruder), le documentaire a des aspects de thriller. Une réelle tension se crée, notamment par le biais du montage qui est splendide, accompagné d’une musique discrète, toujours dans le sujet, parfois envoutante lorsqu’elle est parfaitement alliée aux images.
Que l’on aime ou pas le sujet, le parti pris, ou Oliver Stone, on sent que son nouveau documentaire est un film très important dans sa carrière et qui lui tient beaucoup à cœur. Lui, qui devait attendre 2017 comme peu de gens l’attendait, vient peut-être d’achever un chapitre de sa vie.
Mais en fait… non.
Cette expédition autour du meurtre de John Fitzgerald Kennedy n’est pas encore achevée. Oliver Stone, cinéaste engagé, que ce soit avec Platoon ou avec JFK, des films allant à l’encontre du système, un homme de caractère, qui n’a pas pu s’empêcher de nous faire remarquer que Donald Trump a empêché la déclassification de près de 12 000 documents sur l’assassinat qui devraient l’être aujourd’hui a fait un montage de ce documentaire de 4h tant le nombre de donnée d’enquête est important. Peut-être en fera-t-il une série comme Tavernier et son Voyage à travers le cinéma français.
Une chose est sûre, malgré le fait que nous puissions aujourd’hui nous faire à l’idée de ce que fut réellement l’assassinat de Kennedy, il y a encore du chemin à parcourir aux Etats-Unis d’après le réalisateur, puisqu’aucune boîte américaine n’a voulu financer son documentaire l’obligeant à se tourner vers le Royaume-Uni. Par ailleurs, le film n’a pas non plus de distributeur américain pour l’instant.
Oliver Stone, ce cinéaste new-yorkais, luttera et critiquera jusqu’à sa mort les décisions de son pays, espérant utopiquement que dans quelques années, en cours d’histoire, on apprendra à nos enfants les vraies raisons de l'un des assassinats les plus médiatisés de l'histoire.