Le premier film américain d'Arnaud Desplechin est une toute petite chose. S'il réussit à narrer, à son rythme, l'histoire d'amitié entre ces deux êtres qui partagent la même difficulté à "rentrer" dans l'Amérique, partageant donc la problématique du cinéaste, il échoue de façon assez voyante, si c'est un film assez fin, à rendre cinématographique la psychanalyse qui règne dans le film. Les raisons de cette échec sont plus claires si on met le film en parallèle avec les autres œuvres du cinéaste, je pense à "Un Conte de Noël" ou "Roi et reines", qui avaient elles parfaitement réussi à intégrer la psychanalyse au sein de la mise en scène et des personnages. La première raison est l'annulation pure et simple de l'effet produit sur un personnage. "Jimmy P." n'a pour seul sujet que la psychanalyse, c'est son point de départ et son point d'arrivée, le résumé strict de son scénario. La psychanalyse, dans "Un Conte de Noël", intervenait par le biais de personnages qui existaient en tant que personnages, justement, avec un passé, un présent, un avenir. C'est la vie, du moins le cours de la vie, qui la faisait advenir. Ici se produit totalement l'inverse : c'est la psychanalyse elle-même qui n'évolue pas dans le film, qui tente, et donc rate, de faire advenir la vie. La deuxième raison est le manque cruel de la figuration du corps à l'écran, de sa capacité de mouvement, qui caractérisaient les personnages de Desplechin, leur inventait une folie, faisaient volontiers intervenir le chahut et la cacophonie dans des scènes en apparence bien réglées. Amalric, qui y était à chaque fois incontrôlable et dans la position du blessé, à l'âme ou au corps, est ici dans la position du guérisseur un peu raide. Chaque corps ici est comme prisonniers de ce scénario qui, occupé à dérouler ses lignes de dialogues, oublie de les faire exister en tant qu'humain, en tant que corps en mouvement. On sent que Desplechin rêve de changement avec ce film, rêve d'épure et d'apaisement. Mais l'apaisement, au lieu d'arriver pas lui-même, est ici comme noté, accroché au film, il est son but ultime et le cinéaste fait tout pour y parvenir. C'est paradoxal mais, du coup, le film le plus simple, le plus volontiers humain (plus question de mythologie ici), le plus classique, le plus débarrassé des effets de signature de son cinéaste (pourquoi pas, après tout), est aussi son film le moins complexe et même son plus artificiel. Déception, donc.
B-Lyndon
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le 15 sept. 2013

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